…estime qu'un effort budgétaire supplémentaire doit encore être fait. Je pense que vous êtes consciente de cette nécessité, à tel point que votre ministère est en pleine négociation avec des compagnies et groupes d'assurance pour leur demander de prendre en charge une partie de l'aide juridictionnelle. Mais les assureurs se refusent déjà à prendre en charge un certain nombre de dossiers, tels que les divorces, les conflits collectifs en matière de droit du travail et, semble-t-il, les litiges relevant du droit de la construction. Ils refusent aussi d'inclure une protection juridique obligatoire dans les contrats multirisques habitation. Autrement dit, ils sont bien décidés à ne verser aucune taxe et à garder le magot par-devers eux…
À supposer que vous puissiez, madame la ministre d'État, les convaincre, nous risquerions d'assister à la mise en place institutionnalisée d'une justice à deux vitesses, et même, je le crains, à trois strates : celle les personnes riches, qui pourront payer directement leur avocat et qui auront bien entendu beaucoup plus de chances que les autres de prendre le meilleur ; la strate des classes moyennes, qui seront normalement assurées et qui confieront la gestion de leur dossier à l'avocat choisi par leur compagnie dans le cadre d'une forfaitisation imposée par les groupes d'assurance ; enfin, la foule des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle dont les dossiers, financièrement peu intéressants, seront traités à la chaîne par les avocats qui en seront chargés. C'est d'ores et déjà réalité.
Ce risque de stratification du fonctionnement de la justice m'inquiète. C'est pourquoi, madame la ministre d'État, je vous demande de me rassurer en m'indiquant quelles dispositions vous pensez pouvoir prendre pour demander aux compagnies d'assurance de participer réellement et justement au financement de l'aide juridictionnelle, mais également pour les obliger à verser une rémunération digne aux auxiliaires de justice et aux avocats à qui elles confieront un dossier.
En somme, quid de la garantie d'un minimum d'honoraires pour les avocats et, plus généralement, les auxiliaires de justice, et quid de la pression que vous serez susceptible d'exercer sur les compagnies d'assurance pour qu'elles participent correctement et dignement au financement de l'aide juridictionnelle ?