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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 2 novembre 2010 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Justice

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

J'ai d'ailleurs proposé ce dispositif aux dirigeants du Conseil national des barreaux, qui ont accepté ma proposition. Nous pouvons maintenant passer à l'étape suivante.

Je réponds ainsi à deux des questions posées par M. Garraud, lequel m'en a également posé deux autres. La première concerne le ticket modérateur en matière d'aide juridictionnelle. Je vous avoue, monsieur Garraud, que je n'ai pas fait preuve d'une très grande originalité puisque je me suis contentée de reprendre, en la matière, deux propositions : l'une figurant dans le rapport du sénateur Roland du Luart et l'autre dans le rapport de la commission présidée par M. Darrois, rapport remis au Président de la République. Comme je l'ai lu dans la presse en fin de semaine, certains barreaux demandent, lors de consultations gratuites, 20 euros pour mener une opération humanitaire, ce qui me paraît convenable. Il n'est donc pas totalement aberrant de prévoir une participation minimale en matière d'aide juridictionnelle, ce qui peut éviter aussi, dans un certain nombre de cas que nous pouvons constater, une sorte d'abus du droit de plaider.

Vous m'avez interrogée, monsieur Garraud, sur le recouvrement de l'aide juridictionnelle. Je reconnais que la situation actuelle est totalement médiocre, puisque son taux atteint à peine 50 % de l'aide qui devrait être recouvrée. C'est pourquoi j'ai particulièrement insisté auprès de François Baroin, ministre du budget, pour que le recouvrement de ces sommes s'améliore. François Baroin en a parfaitement compris l'enjeu, même si je dois reconnaître que ces sommes apparaissent minimes au regard de l'ensemble du budget de l'État. Nous nous sommes donc engagés ensemble dans une politique ambitieuse dont les premiers effets devraient d'ailleurs se faire sentir dès cette année.

M. Garraud et M. Vallini m'ont également interpellée sur la collégialité de l'instruction. Monsieur le rapporteur Garraud, vous êtes membre du groupe de travail sur la réforme de la procédure pénale, vous savez donc où nous en sommes. Il est vrai que le premier livre a déjà été transmis au Conseil d'État, en même temps que la partie relative à la garde à vue. Les autres livres sont prêts à l'être et le seront dans les jours ou les semaines à venir. Nous aurons donc la réforme globale qui était attendue depuis si longtemps. Elle apportera des éclaircissements et évitera les contradictions nées de l'empilement, au fil des ans, d'un certain nombre de textes. Elle nous mettra surtout en conformité avec les principes du procès équitable tels qu'ils ont été fixés par la Convention européenne des droits de l'homme. La règle selon laquelle celui qui enquête ne doit pas être celui qui porte un jugement sur l'enquête sera ainsi respectée. Le principe du contradictoire, qui n'existait pas dans notre procédure – l'un d'entre vous en a parlé très justement tout à l'heure –, sera également posé.

Cette réforme ne sera probablement pas aussi lourde ni aussi longue à examiner qu'on ne l'a dit, et ce pour une raison très simple. Le texte paraît considérable parce que, pour des raisons de cohérence, il reprend, parfois en la réécrivant, en l'harmonisant, la matière qui existe aujourd'hui. Sur quelque 1 200 articles, moins de 300 représentent, sur le fond, une réelle nouveauté par rapport au système actuel. Cette réforme peut, en conséquence, être présentée et votée rapidement. Dès lors, le système de la collégialité de l'instruction ne serait mis en place que pour quelques mois. Or la formation des personnels et l'organisation d'un tel système demandent du temps. En termes de cohérence, de coût et de visibilité pour nos concitoyens, il est donc préférable de procéder à une réforme globale. J'ai donc demandé – et je vous remercie de l'avoir justifié, monsieur le rapporteur – la suspension de la collégialité de l'instruction, puisqu'elle est appelée à être remplacée. Il est d'ailleurs possible, et je le souhaite, que la réforme de la procédure pénale soit votée avant la mise en place de cette collégialité.

Deuxième grande ligne de ce budget : la modernisation des méthodes au sein du ministère de la justice. Je vous ai dit que l'on avait commencé à la mettre en oeuvre, mais qu'elle devait se poursuivre. Les efforts accomplis doivent également être poursuivis, même si les marges de manoeuvre paraissent meilleures qu'en 2011. Il s'agit d'abord de moderniser les méthodes de gestion. Des efforts ont été faits dans la prise de conscience des enjeux de gestion pour engager les chefs de juridiction à optimiser les dépenses.

Il faut reconnaître que la gestion n'est pas toujours, dans ce ministère, la première préoccupation. Cela peut s'expliquer, mais est-ce encore possible dans notre société ?

Le contrôle des dépenses liées aux frais de justice et au fonctionnement des juridictions doit être encore amélioré, notamment par une politique d'achats plus efficace. Nous l'avons fait sur un certain nombre d'expertises. Il faut aller encore plus loin.

Monsieur Couanau, vous avez évoqué les difficultés de certaines juridictions. Certes, tout n'est pas parfait, mais la gestion 2010 s'achève sans les risques de cessation de paiements qui m'avaient accueillie à l'été 2009.

Ces objectifs ne sauraient bien entendu se limiter aux frais de justice ou aux juridictions. J'ai demandé au secrétaire général du ministère d'animer une véritable politique ministérielle d'achats.

Le ministère doit aussi se mettre au contrôle de gestion. Certains services disposent déjà d'un savoir-faire dans ce domaine, mais c'est tout le ministère qui doit disposer de cet outil destiné à améliorer les prises de décision et à mieux utiliser l'argent public.

Nous devons développer le recours aux nouvelles technologies. Nous partons de loin, mais des progrès réels ont été réalisés, monsieur Houillon. Je pense notamment à la mise en oeuvre de l'application Cassiopée. L'opérateur a changé, un travail de professionnalisation et de réorganisation des services a été entrepris, et l'application achèvera son déploiement en 2011, selon un calendrier et des méthodes raisonnables.

Les nouvelles technologies seront placées au service de la sécurité des juridictions. Des logiciels d'alerte silencieuse seront mis en place sur les postes informatiques. Des dispositifs de vidéoprotection et des systèmes anti-intrusion seront implantés dans toutes les juridictions. Nous garantirons ainsi une véritable sécurité des audiences.

La priorité, pour assurer cette sécurité, sera donnée aux réserves, notamment de la police et de la gendarmerie, qui représentent un véritable potentiel – c'est l'ancien ministre de la défense et l'ancien ministre de l'intérieur qui vous parle. (Sourires.) Nous sommes en train de conclure un protocole national avec le ministère de l'intérieur, afin de pouvoir mobiliser davantage les réservistes en cas de besoin pour tel ou tel type d'audience.

Autre aspect de la modernisation technologique : la mise en oeuvre d'une plateforme nationale d'interceptions judiciaires pour améliorer les capacités d'investigation.

Enfin, moderniser, c'est valoriser les personnels.

Il faut d'abord clarifier le rôle de chacun, et lui permettre de se recentrer sur son coeur de métier. Quand quelqu'un a choisi un métier pour lequel il a été formé, la moindre des choses, quand on le respecte, c'est de lui permettre d'exercer ce métier.

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