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Intervention de André Vallini

Réunion du 2 novembre 2010 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Vallini :

Monsieur le président, madame la ministre d'État, c'est donc la loi de finances qui a été choisie pour annoncer l'enterrement de la collégialité de l'instruction.

En effet, l'article 75, qui constitue un cavalier législatif très douteux sur le plan constitutionnel, repousse cette réforme pour la troisième fois, ce qui équivaut, soyons clairs, à son abandon pur et simple.

Votée à l'unanimité par le Parlement après les travaux de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau, la loi du 5 mars 2007 prévoyait que toutes les informations judiciaires seraient confiées à trois juges d'instruction.

Deux raisons nous avaient conduits à proposer la collégialité, après beaucoup d'hésitations et une longue réflexion : l'inexpérience des juges issus directement de l'École nationale de la magistrature et le caractère trop solitaire du travail des magistrats instructeurs. La collégialité de l'instruction devait donc – je cite le rapport de la commission parlementaire – favoriser des regards croisés sur l'enquête et faire travailler ensemble des magistrats débutants et des magistrats expérimentés.

Afin de permettre au Gouvernement d'organiser la mise en oeuvre de cette lourde réforme, nous avions décidé de reporter son entrée en vigueur au 1er janvier 2010. Or, au moment même où elle commençait à être mise en oeuvre – avec la constitution des pôles de l'instruction –, le Président de la République annonça, le 8 janvier 2009, la suppression pure et simple du juge d'instruction.

Ainsi, alors qu'il avait prétendu revaloriser le Parlement grâce à la révision de la Constitution, Nicolas Sarkozy balayait brutalement une loi votée par l'Assemblée nationale, laquelle avait beaucoup travaillé, dépassant les clivages partisans, pour proposer cette réforme.

L'argument parfois avancé du coût de la collégialité est inopérant, puisque le problème se posait exactement dans les mêmes termes en 2007, au moment du vote de la loi. C'était d'ailleurs l'une des raisons qui nous avaient amenés, dans un esprit de responsabilité, à laisser plusieurs années à la Chancellerie pour la mettre en oeuvre.

Quant à l'argument tiré de la réforme prochaine de la procédure pénale, il ne tient pas davantage. D'abord parce que ce projet est enlisé et que personne ne sait s'il sera voté avant la fin de la législature. Ensuite parce qu'il est curieux de prendre prétexte d'une réforme en préparation pour entraver l'application d'une loi votée par le Parlement, à moins de considérer que les travaux du ministère de la justice sont plus légitimes que l'oeuvre de la représentation nationale.

Mes chers collègues, je vous appelle donc à ne pas voter l'article 75 du projet de loi de finances. Mon appel s'adresse surtout aux députés UMP qui étaient membres de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau. Deux d'entre eux, notamment, sont présents dans cet hémicycle : Philippe Houillon et Jean-Paul Garraud qui en étaient respectivement rapporteur et vice-président. Il y aurait de leur part de la cohérence, et même de la dignité, à refuser de laisser ainsi bafouer le Parlement par l'exécutif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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