Monsieur le président, madame la ministre d'État, mes chers collègues, pour la première fois, le budget de la justice franchit la barre des 7 milliards d'euros : 7,128 milliards exactement, soit une hausse de 4,15 %, qui s'inscrit dans une progression continue depuis 2007 et même depuis 2002.
C'est un effort d'autant plus remarquable que le contexte financier est particulièrement contraint et que le budget de la justice a longtemps été le parent pauvre de nos finances. Il est aujourd'hui le seul budget, avec celui de l'enseignement supérieur, à marquer une telle évolution. Il n'est pas superflu de le rappeler et de saluer votre volonté, madame la ministre d'État, de replacer la justice au rang des priorités de notre pays.
Indéniablement, ce budget tend à combler le retard que nous avons accumulé – car notre pays n'occupe pas, tant s'en faut, la première place en la matière parmi les pays européens, même si nous savons tous que l'efficacité de la justice ne dépend pas exclusivement de ses moyens financiers. En réalité, nous sommes face à une croissance continue des besoins.
Vous l'avez dit, madame la ministre d'État, il s'agit de traduire, dans ce budget, les engagements législatifs et gouvernementaux. Je pense à la loi pénitentiaire, à la nouvelle carte judiciaire, à la réforme de la garde à vue et, plus généralement, de la procédure pénale.
Un effort notable a été fait en direction de l'administration pénitentiaire, répondant en cela à une nouvelle approche de la peine, ce qui ne peut que favoriser une meilleure exécution des peines et une meilleure prévention de la récidive.
Je salue également la volonté de renforcer l'efficacité des juridictions par la mise en place de technologies nouvelles, par la construction de nouveaux palais de justice et par l'augmentation du nombre de greffiers. Nos juridictions en avaient bien besoin.
Concernant le programme « Accès au droit et à la justice », je ne peux que louer l'augmentation des crédits, notamment ceux alloués à l'aide juridictionnelle, destinée aux justiciables aux revenus modestes.
Mais ce budget intègre aussi la future réforme de la garde à vue, et l'on sait déjà que celle-ci entraînera des coûts supplémentaires, notamment pour la rémunération des avocats commis d'office.
D'ores et déjà, 357 millions d'euros sont prévus pour mieux accompagner les justiciables, soit une augmentation de 12,3 % du programme « Accès au droit et à la justice ». Sur ce montant, 80 millions concernent la garde à vue, contre 15 millions aujourd'hui.
Malgré tout, et comme vous le savez, il existe d'importantes inquiétudes dans les barreaux.
Il semble que les 15 millions d'euros actuels permettent d'indemniser un peu plus de 145 000 missions effectives, sur un total d'environ 800 000 gardes à vue.
Les 80 millions d'euros annoncés permettraient d'indemniser, selon certains calculs, près de 400 000 missions, étant entendu que la comparaison doit porter sur les montants hors taxe, puisque le taux de la TVA sur les prestations assurées au titre de l'aide juridictionnelle est porté de 5,5 % à 19,6 %.
Il s'agit donc bien d'un effort substantiel, mais il convient néanmoins d'apporter des réponses concrètes aux craintes exprimées par les barreaux, car ceux-ci seront l'outil essentiel d'une bonne application de la réforme de la garde à vue, de nature à rendre celle-ci conforme à la décision du Conseil constitutionnel et à celle, plus récente, de la Cour de cassation. Vous avez d'ailleurs annoncé la création d'un comité de suivi, ce qui est une excellente chose.
Cela étant, les sommes allouées pour chaque mission devraient être plus élevées. Le Gouvernement a annoncé qu'une partie des crédits serait gérée par chaque barreau signataire d'un protocole local. C'est incontestablement un engagement. Je me permets cependant de rappeler que la Convention européenne des droits de l'homme et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne obligent l'État à garantir à tout justiciable, quels que soient ses moyens, un véritable accès à la justice. C'est donc un domaine qui relève clairement de la responsabilité de l'État.
Il s'agit aussi, accessoirement, de la reconnaissance effective du travail fourni pour assurer la défense des plus démunis.
De tout cela dépend la crédibilité de la réforme de la procédure pénale, conçue comme respectant le principe de l'égalité des armes entre les parties au procès pénal.
À l'issue de ces explications rapides, je vous indique que mon vote sera favorable et je vous remercie, madame la ministre d'État, de bien vouloir apporter quelques précisions en réponse aux questions que posent le financement de la réforme de la garde à vue et des autres réformes annoncées.