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Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 2 novembre 2010 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Madame la ministre d'État, nous sommes d'accord avec vous quand vous dites que notre pays a besoin d'une justice qui soit en phase avec la société, lisible, compréhensible par tous, et qui considère comme une ardente obligation la protection des libertés fondamentales.

Malheureusement, lorsqu'il s'agit de refléter dans la pratique les principes énoncés, nous sommes gagnés par un certain désenchantement, car le budget qui constitue la traduction concrète des idéaux proclamés ne correspond pas à vos déclarations.

Le programme « Accès au droit et à la justice » affiche une hausse en trompe-l'oeil : dans le détail de ses actions, il limite l'accès au droit pour le justiciable, ou ne permet pas de le développer.

Les crédits de l'action « Aide juridictionnelle » augmentent de 40 millions d'euros, mais il s'agit principalement de compenser le passage du taux de TVA de 5,5 % à 19,6 %, décidé pour respecter la décision des instances européennes. L'effort consenti par l'État est donc nul, puisqu'il récupérera en impôts le produit de cette augmentation.

En revanche, les autres postes diminuent ou stagnent, qu'il s'agisse du réseau judiciaire de proximité, de l'aide aux victimes ou de la médiation familiale.

Nous sommes étonnés de la prévision réalisée quant au nombre des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle. Cous tablez sur sa stabilisation à 900 000, voire sur sa diminution, et vous adaptez le budget en conséquence. Mais pourquoi anticiper une telle évolution, alors que nous sommes en pleine crise, ce qui contribue plutôt à augmenter à la fois le nombre des bénéficiaires potentiels de l'aide et celui des contentieux, notamment devant les prud'hommes ?

En 2009, pour un nombre stable de bénéficiaires, l'admission à l'aide juridictionnelle a augmenté de 2,4 % pour le contentieux civil, a également augmenté pour le contentieux administratif, mais a diminué pour le contentieux pénal ainsi que celle pour celui lié aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers.

Si l'on considère les évolutions législatives en cours ou annoncées, notamment sur la question de la garde à vue, le nombre des contentieux devrait progresser, de même que celui des recours à l'aide juridictionnelle et des commissions d'office – et je n'évoque même pas l'explosion attendue du contentieux administratif lié au droit opposable au logement.

La réforme de la garde à vue, imposée par les récentes décisions du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, accroîtra le rôle de l'avocat, et donc ses heures de présence. Cela signifie que, si la ligne budgétaire ad hoc n'augmente pas en conséquence, le tarif horaire baissera. Or, il serait incompréhensible que, dans certains barreaux comme celui de Bobigny, où le public relève assez massivement de l'aide juridictionnelle et où les avocats jouent un véritable rôle social, ils aient en outre à supporter financièrement le poids de la solidarité nationale.

Ce qui explique cette anticipation de la diminution du nombre de bénéficiaires, c'est sans doute la proposition de loi, signée par nombre de nos collègues de l'UMP, visant à incriminer le recours abusif à l'aide juridictionnelle. Je trouve surprenant que, lorsque l'on prétend lutter contre les abus, on s'en prenne aux bénéficiaires de l'aide juridictionnelle plutôt qu'aux privilégiés du régime.

Le budget que nous examinons met en oeuvre une proposition que le ministère avait présentée comme une simple éventualité, et qui consiste à ne plus prendre en charge les droits de plaidoirie dans le cadre de l'aide juridictionnelle. C'est une mauvaise manière faite à la mission parlementaire qui travaille sur la question : avant même, en effet, que celle-ci ait rendu ses conclusions, le Gouvernement a déjà pratiquement tranché, et décidé de faire supporter par les avocats le coût du droit de plaidoirie, qui ne pourra naturellement pas être réclamé à leurs clients bénéficiaires de l'aide juridictionnelle.

S'agissant de l'accès au droit, nous sommes intéressés par le travail accompli dans les maisons de la justice et du droit, et j'ai noté l'enthousiasme avec lequel les professionnels y travaillent. Mais le développement de ces maisons s'explique avant tout par le désert judiciaire que vous avez créé en supprimant des tribunaux d'instance. Même si l'on y fait siéger des délégués du procureur, elles ne pourront remplacer ni les tribunaux ni les magistrats supprimés.

Vous avez dit vouloir augmenter l'aide aux victimes. Mais comment ferez-vous face, à crédits constants, à toutes les missions nouvelles créées par la loi ? Je pense notamment aux dispositions en faveur des femmes victimes de violences.

Votre budget est provisoire, car il faudra le revoir après la réforme de la garde à vue. Il est insuffisant, car il ne permet pas de renforcer le réseau de proximité. Il est imprévoyant, car il table sur une baisse des demandes d'aide juridictionnelle, que vous ne pourrez manifestement pas tenir.

C'est la raison pour laquelle il ne peut recueillir l'assentiment du groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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