Monsieur le président, madame la ministre d'État, mes chers collègues, il y a un an, la loi pénitentiaire que nous avons tous contribué à améliorer nous semblait ouvrir un certain nombre de perspectives intéressantes, à condition bien entendu que son application soit rapide, déterminée, et témoigne d'un nouvel état d'esprit.
Force est aujourd'hui de constater, à l'examen du programme « administration pénitentiaire », qu'il y a de la distance entre ce qui était annoncé et la réalité sur le terrain.
Vous avez hérité, madame la ministre, de chantiers très lourds. Vous le savez, l'opposition socialiste, si elle approuve la rénovation nécessaire de nombreuses places de prison indignes ou insalubres – et de ce point de vue, nous reconnaissons que des progrès sont en cours –, marque son désaccord total avec un plan démesuré du point de vue quantitatif.
Comme cela a été rappelé, notamment par M. Huyghe, au plan de 13 200 places nouvelles le Président de la République a cru bon d'ajouter 5 000 places de prison, ce total de 18 000 venant s'ajouter au nécessaire plan de rénovation de 12 000 places vétustes.
Par ailleurs , entre quinze et vingt établissements doivent être fermés, car ils ne sont pas rénovables.
Nous dénonçons cette fuite en avant, qui nécessite une augmentation du personnel de surveillance, des travailleurs sociaux, des conseillers d'insertion et de probation, lesquels sont d'ailleurs appelés à jouer un rôle encore plus important depuis que la loi pénitentiaire a consacré le recours au placement sous bracelet électronique des personnes condamnées à de courtes ou moyennes peines, ce qui ne peut évidemment pas être un acte mécanique, technique, mais nécessite une préparation soigneuse. Cela exige en particulier de s'intéresser aux conditions de vie et de logement de personnes dont nous savons que la plupart sont en grande difficulté sociale.
Rappelons que les agents des services pénitentiaires d'insertion et de probation, les SPIP, que nous voulons tous remercier pour leur lourd travail, doivent suivre en moyenne entre quatre-vingts et cent détenus, et que leur tâche difficile s'accomplit dans les établissements pénitentiaires, mais aussi et surtout en dehors de ceux-ci, ce qui rend les choses encore plus compliquées.
Leur mission évolue, mais également leurs difficultés, puisqu'ils doivent contrôler encore plus de détenus, et des détenus plus difficiles, notamment ceux qui sont sous surveillance ou qui font l'objet d'un suivi socio-judiciaire.
Quant aux surveillants, vous le savez, leur malaise est grand, comme en témoignent les différents mouvements sociaux qui ont traversé cette profession ces derniers mois. Il est important d'être à leur écoute, d'autant plus que leur conscience professionnelle est très grande, comme en témoigne leur comportement magnifique, et très professionnel, lors des inondations de Draguignan il y a quelques mois.
Il n'en reste pas moins que si la loi pénitentiaire doit être appliquée – et il faut qu'elle le soit –, nous devons prévoir des effectifs supplémentaires, une redéfinition d'un certain nombre de postes, en particulier pour que l'obligation d'activité ou de formation devienne vraiment une réalité sur le terrain, alors que le nombre des détenus au travail aurait plutôt tendance à diminuer. On camoufle le manque de travaux extérieurs par le recours plus fréquent à la régie.
D'ores et déjà, un audit conduit dans trente-deux établissements pénitentiaires, que votre administration a demandé, montre qu'il manque 200 postes de surveillants. Il faut donc examiner cela de très près.
Je voulais dire un mot de la montée en puissance des UHSI, et plus encore de celle, à venir, des UHSA – qui pose des problèmes de surveillance périmétrique –, tellement nécessaires pour soigner les détenus aux multiples troubles psychiatriques, comme il s'en trouve malheureusement trop en prison. De la même manière la prévention du suicide chez les détenus, et je sais que nous y tenons tous, y compris vous, madame la ministre, implique plus de formation des personnels de l'administration pénitentiaire.
Ces derniers s'inquiètent à juste titre, et nous relayons leur inquiétude, des nouvelles missions qui leur sont dévolues : extractions médicales, transferts, police d'audience, gardes statiques des palais de justice. Nous voudrions avoir des assurances à ce sujet, et être sûrs qu'il n'y aura pas un marché de dupes entre l'intérieur et la justice.
Enfin, nous souhaitons que des crédits spécifiques soient dégagés au bénéfice des associations, qui jouent un rôle essentiel dans le maintien des liens familiaux et sociaux, ou dans les premiers pas après la sortie des personnes détenues. Ces crédits ont tendance à stagner. Un petit effort serait nécessaire.
En résumé, ce budget augmente, certes, comme tous mes collègues l'ont dit, mais il ne rassure pas pour autant. Nul ne méconnaît le contexte de crise de la dépense publique et de restrictions budgétaires, mais nous pensons qu'il faut réorienter un certain nombre de crédits.