Monsieur le président, madame la ministre d'État, chers collègues, avec une augmentation de 4,15 % par rapport à 2010, le budget de la justice pour 2011, qui dépassera désormais 7 milliards d'euros, traduit incontestablement et très clairement la volonté du Gouvernement de conforter la justice en tant que fonction régalienne de l'État. Ce fut d'ailleurs un engagement pris par le Président Jacques Chirac dès 1995 et réitéré en 2007 par Nicolas Sarkozy. En quinze ans, le budget de la justice sera passé de 3,2 milliards à 7,1 milliards d'euros : il aura ainsi plus que doublé.
Le budget de la justice s'est désormais hissé au niveau de celui des pays européens comparables aux nôtres. Certes, les comparaisons en masses ne sont jamais pertinentes puisque les missions, le fonctionnement et l'organisation judiciaires sont très variables d'un pays à l'autre. Il n'empêche que le Conseil de l'Europe et en particulier la commission européenne pour l'efficacité de la justice ont constaté les points forts de la politique de justice menée par la France.
En premier lieu, la commission a souligné les bons résultats concernant l'informatisation des tribunaux français, le niveau d'informatisation étant désormais le plus élevé d'Europe après le développement du système Cassiopée qui, fin 2011, couvrira toutes les juridictions françaises concernées.
Ensuite, la commission constate que la France est le seul pays d'Europe où le droit d'agir en justice est gratuit. Le système d'aide juridictionnelle compte parmi les plus performants d'Europe du fait de la couverture des affaires pénales et civiles ainsi que des affaires administratives, mais aussi du champ de la médiation et de la conciliation.
Troisièmement, la commission a constaté que le budget français de la justice consacre la part la plus importante des pays européens à la formation des magistrats et des personnels. Ces formations, dont la qualité est reconnue, donne l'occasion, madame la ministre d'État, à de multiples coopérations internationales, comme nous avons pu le constater récemment en Algérie.
Enfin, la commission souligne, contrairement au cas de nombreux pays européens, la capacité du système judiciaire français à traiter les affaires nouvelles sans augmenter les affaires en cours. L'augmentation des flux n'entraîne pas, en France, d'augmentation des stocks, ce qui est, j'y insiste, peu fréquent en Europe.
Nonobstant la crise économique et financière – et par conséquent budgétaire – que traversent la France et l'Europe, le budget de la justice pour 2011 demeure une priorité de la nation. On observera que ce n'est pas le cas partout en Europe puisqu'au Royaume Uni ce budget sera amputé de plus de 23 % pour les quatre années à venir, soit une diminution de 6 % par an environ.
Dans ce vaste champ de la mission « Justice », on peut remarquer, sans prétendre à l'exhaustivité, quelques points saillants qui renforcent ou prolongent les constats positifs énoncés par le Conseil de l'Europe.
J'évoquerai pour commencer les moyens humains, qui constituent la première réponse au retard et à l'encombrement de nos juridictions. Plusieurs de nos collègues ont rappelé la création plus que significative de 399 emplois de greffiers cette année. C'est en tout cas une réponse aux demandes récurrentes des magistrats, des directeurs de greffe et de l'ensemble de leurs collaborateurs. Jusqu'en 2010, le ratio entre le nombre de magistrats et celui de fonctionnaires judiciaires était passé sous le seuil de 2,5 : 2,45 précisément ; or le seuil de 2,5 sera franchi en 2011. Ce ratio devra continuer de progresser dans les années à venir.
Dans un deuxième temps, on constatera l'effort considérable de modernisation de la gestion, tant des procédures civiles que pénales, par la dématérialisation et l'informatisation des chaînes pénales et civiles. L'affectation d'une somme de 102 millions d'euros à ces politiques d'informatisation et de dématérialisation constitue une réponse solide et adaptée : solide pour le système Portalis, davantage encore pour le système Cassiopée qui, voilà quelques semaines, s'est étendu au tribunal de grande instance de Lyon. La commission des lois tente aujourd'hui d'évaluer ce système qui s'est heurté à quelques difficultés lors de sa mise en place mais dont nous pouvons désormais constater l'efficacité grâce à un renforcement des crédits, à un changement d'opérateur, à une mobilisation de l'ensemble des services de la chancellerie.
En troisième lieu, pour ce qui est de l'accès au droit, on ne peut se dispenser d'une référence aux décisions du Conseil constitutionnel et aux arrêts de la Cour de cassation, qui ont constaté l'inadéquation de notre code de procédure pénale avec les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Le texte que vous nous soumettrez avant la date butoir fixée au mois de juillet devra tenir compte de l'obligation de permettre à chaque personne placée en garde à vue de bénéficier de l'assistance d'un avocat. Cette obligation constituera une charge considérable pour les barreaux, pour les avocats, mais elle aura pour corollaire un renforcement de l'aide juridictionnelle. On s'interroge, certes, sur ce budget pour 2011 qui prévoit un renforcement de cette ligne, la portant à 312 millions d'euros, soit une augmentation de 13,65 %. Sera-ce suffisant ? Nul n'en est sûr, mais le signe a été lancé.
Enfin, je dirai un mot sur l'achèvement de la réforme de la carte judiciaire. Cette réforme fut l'une des plus vigoureusement contestées de la présente législature. La suppression de 22 tribunaux de grande instance, de 178 tribunaux d'instance, de 62 conseils de prud'hommes et de 55 tribunaux de commerce devait déboucher, prétendait l'opposition, sur le chaos, malgré la création d'une quinzaine de juridictions dans les secteurs les plus peuplés du pays. Quelque 1 800 agents ont été affectés par cette réforme particulièrement lourde et qui aura provoqué 446 opérations immobilières. Cette réforme est en voie d'achèvement et l'apocalypse n'a pas été au rendez-vous.
L'enveloppe initialement prévue de 375 millions d'euros, répartis sur trois ans pour les autorisations d'engagement et sur cinq ans pour les crédits de paiement, répond bien à cet enjeu. Le vote du budget permet aujourd'hui de saluer cette réforme attendue depuis 1958, et à celles et ceux qui avancent souvent que la chancellerie peine à engager des réformes lourdes nous pouvons répondre que, désormais, la démonstration est faite que telle n'est pas la vérité.
L'UMP adoptera ce budget car il respecte des engagements pris par le chef de l'État et par le Premier ministre depuis 2007. Il répond à une volonté de modernisation, d'adaptation de la justice aux besoins de la société et à l'évolution du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)