Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, au prétexte d'une évolution quantitativement positive de 4,15 % de son budget et d'une création nette d'emplois, le ministère de la justice peut-il être regardé comme le seul rescapé de la logique qui a prévalu dans la préparation de la loi de finances pour 2011 ? Rien n'est moins sûr, surtout lorsque l'on sait que, de 2002 à 2008, le nombre d'affaires civiles a augmenté de 58 %, les décisions en matière pénale de 10 % et que le taux de réponses pénales est passé de 68 à 85 %. Qualitativement, mais pour une part aussi quantitativement, ce budget n'échappe pas à l'acharnement du Gouvernement à réduire drastiquement les moyens consacrés aux dépenses socialement utiles, moyens pourtant attendus depuis longtemps par les professionnels concernés autant que par l'immense majorité de nos concitoyens.
Parce qu'il s'obstine à faire porter l'essentiel des efforts sur les plus faibles afin d'épargner les puissants, la philosophie de la loi de finances n'échappe pas à la logique qu'illustre la détermination du chef de l'État et de sa majorité à sacrifier l'humain sur l'autel des égoïsmes des milieux d'affaires.
Comme tous les autres, le budget de la justice est frappé du sceau de la réduction des dépenses socialement utiles, autant que de la négation des valeurs qui ont fait jadis l'honneur de notre République.
Reprenant l'appréciation d'une magistrate, je dirai volontiers avec elle : « La justice, notamment pénale, est de plus en plus symbolisée par le glaive que tient la déesse Thémis, tandis que la balance, symbole de l'équité, s'estompe, car l'État pénal remplace aujourd'hui l'État social et que les dix-neuf lois sécuritaires votées depuis sept ans ont pour effet de pénaliser la misère, l'immigration, la maladie mentale et les difficultés sociales de pans entiers de la population. »