Certes, le budget est difficile en raison de la crise, mais nous sommes face à des choix fiscaux.
Néanmoins, nous devons à l'objectivité de constater que, dans un contexte de rigueur budgétaire, un effort a été réalisé puisque le budget de la justice augmente de 4,15 %. Le nombre de greffiers progresse avec la création de 399 postes, portant le ratio greffiermagistrat de 0,86 à 0,92.
Toutefois, comme l'a indiqué M. Hunault, cet effort est largement insuffisant. À cet égard, on peut se référer à ce que dit la commission européenne pour l'efficacité de la justice. En effet, un classement, qui se veut le plus objectif possible puisqu'il tient compte des différences de législations et de procédures d'un pays à l'autre, montre que nous sommes extrêmement mal placés et que nous sommes passés de la trente-cinquième à la trente-septième place. Ce n'est pas seulement le constat d'un grand journal du soir, de la une du Monde, mais celui d'une commission qui se penche depuis quatre ans sur le traitement de la justice dans les différents pays. Ce classement porte sur de nombreux ratios mais aussi sur une appréciation de la dépense en pourcentage de PIB par habitant – nous sommes mal placés – ainsi que sur le stock des affaires ; résorber les stocks prendrait environ 208 jours de travail complet, ce qui nous met dans une mauvaise position. De la même façon, nous prenons du retard car le traitement du flux n'est pas à la hauteur de l'arrivée des nouveaux dossiers.
Cette inquiétude est partagée sur les bancs de la majorité. En effet, M. Hunault a indiqué à l'instant qu'il y avait beaucoup à faire. Cela dit, madame la ministre, vous n'en portez pas seule la responsabilité puisque cela fait longtemps que la justice a été abandonnée.
Par ailleurs, vous héritez des problèmes que rencontre le système informatique Cassiopée et de la difficile fusion entre avocats et avoués. En la matière, les conditions d'indemnisation des avoués restent à préciser. En tout cas, elles risquent de coûter cher aux justiciables puisque, si j'ai bien compris, c'est une taxe sur les justiciables qui permettra d'indemniser les avoués.
Vous avez hérité également de la gestion extrêmement maladroite de la réforme de la carte judiciaire de la ministre qui vous a précédée, avec une espèce de disparition des coûts que l'on ne s'explique pas très bien.
Vous héritez encore de la situation qui consiste à vous trouver dans l'impossibilité, dès le mois de juin, de payer les vacataires, vous contraignant à réduire les vacations des juges de proximité et des assistants de justice.
M. Garraud vous a fait part, en termes amicaux, de son inquiétude quant au report de l'application de la collégialité de l'instruction puisque la réforme du code de procédure pénale n'est pas achevée. Cette réforme nécessite en effet un travail parlementaire gigantesque puisqu'il s'agit de modifier des centaines et des centaines d'articles du code de procédure pénale. Or les périodes préélectorales sont peu propices à ce genre de réforme, et encore moins si la question de la délinquance est instrumentalisée, comme ce fut le cas vers 2002.
Au-delà de cet héritage difficile, le budget touche aussi à ses propres limites. En effet, il est prévu une réduction de soixante-seize postes de magistrats, alors que la France est assez peu pourvue en magistrats. Le même rapport de la CEPEJ rappelle que la France dispose de trois procureurs pour 100 000 habitants et que ce nombre est parmi les plus faibles de tous les pays comparés, alors que devons faire face à la réforme de la garde à vue, que l'ensemble des enquêteurs de police ou de gendarmerie disent combien il est difficile de contacter, dans la journée, un parquetier, que la question de la nuit n'est pas totalement réglée et que le substitut de permanence de nuit se trouve dans l'obligation de dormir parce que le jour il n'est pas remplacé pendant son service, ce qui contribue incontestablement à augmenter le nombre de gardes à vue, faute de pouvoir prendre une décision au milieu de la nuit.
La question du transfert des extractions à l'administration pénitentiaire pose la question de la compensation des postes. Si le transfert est envisageable, la question de la surveillance des palais de justice n'est pas complètement réglée. L'idée qui consiste à faire surveiller les palais de justice par la réserve policière ou de la gendarmerie risque de ne pas fonctionner dans les tribunaux où il y a peu de réservistes, comme c'est le cas dans la région parisienne puisque beaucoup de réservistes partent en province au moment de leur retraite.
La protection judiciaire de la jeunesse subira une réduction de 117 emplois, alors que doit être mis en place un nouveau code pénal des mineurs, alors que la coordination entre les services des conseils généraux pour la protection de l'enfance en danger et les services de la protection judiciaire de la jeunesse n'est pas complètement assurée, alors que le manque de foyers d'action éducative fait que, selon le rapport de la défenseure des enfants, on met dans des centres éducatifs fermés des mineurs qui n'y ont pas leur place, faute de place dans des foyers classiques. Cette suppression ne se justifie pas. Il eût fallu un effort supplémentaire.
En conclusion, malgré les efforts que l'on doit constater dans ce budget, vous ne parvenez pas à relever les défis qui consistent à retrouver la confiance de nos concitoyens et à avoir un plan d'avenir pour rendre la justice plus crédible, pour faire en sorte qu'elle rassure nos concitoyens. Aussi, le groupe SRC appellera à voter contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)