Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Marie-Anne Montchamp

Réunion du 26 octobre 2010 à 15h00
Gestion de la dette sociale — Discussion du texte de la commission mixte paritaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Anne Montchamp, rapporteure de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, mes chers collègues, nous examinons ce soir le texte organique relatif à la gestion de la dette sociale, tel qu'issu de la commission mixte paritaire qui s'est tenue la semaine passée au Sénat. Les membres de la CMP ont ainsi adopté sans modification le texte dans sa version votée par notre assemblée.

Je vous le rappelle, le schéma de financement proposé par le projet de loi initial reposait sur la décision d'une reprise par la Caisse d'amortissement de la dette sociale de 130 milliards d'euros au total couvrant l'ensemble des déficits cumulés du régime général et du fonds de solidarité vieillesse jusqu'à 2012 et les déficits prévisionnels de la branche vieillesse jusqu'à 2018.

Cette décision était importante et même inéluctable, car il y a urgence à agir : le régime général et le fonds de solidarité vieillesse vont enregistrer plus de 87 milliards d'euros de déficits cumulés de 2009 à 2011. Il s'agit désormais d'un véritable « risque dans le risque », un risque financier propre à notre système de sécurité sociale, qui se matérialise aujourd'hui.

Il faut résoudre la question suivante : comment garantir le financement des déficits passés, celui des déficits à venir, dans un contexte où les montants en jeu atteignent des proportions considérables et où, plus que jamais, la question de la signature publique doit être sauvegardée vis-à-vis des financeurs ?

Le traitement des déficits cumulés de la sécurité sociale est urgent. Il n'est plus possible de le reporter, tout simplement parce que, dans l'édifice de financement de la sécurité sociale, ne pas traiter l'endettement fait reposer sur l'ACOSS le poids du portage de la dette. Or sa vocation est de gérer le découvert infra-annuel et non les déficits cumulés, comme le rappelle, chaque année, de manière insistante la Cour des comptes.

L'exercice 2010 a été suffisamment éprouvant pour l'ACOSS, qui a vu son plafond de trésorerie porté à 65 milliards d'euros et qui a dû recourir à une ingénierie financière sophistiquée pour assurer le financement de déficits cumulés très importants.

Nous sommes aujourd'hui au pied du mur et le mur est haut : le traitement de la dette est inéluctable faute d'avoir anticipé ce traitement, comme sans doute nous aurions pu le faire.

La commission mixte paritaire a donc confirmé la position qui a été retenue par notre assemblée. Nous avons dû nous résoudre, comme vous le savez, à allonger de quatre ans l'horizon d'amortissement de la CADES, pour le reporter de 2021 à 2025. La dérogation créée par ce projet de loi organique reste néanmoins limitée à quatre années.

En revanche, les parlementaires ont jugé qu'une véritable pérennité des recettes de la CADES devait être assurée. Si le projet de loi initial prévoyait l'affectation à la CADES de recettes nouvelles, à hauteur de 3,2 milliards d'euros, pour permettre la reprise des 34 milliards d'euros de déficits « hors crise » du régime général et du FSV sur 2009 et 2010, ainsi que le déficit prévisionnel 2011 de la seule branche maladie, le Parlement a jugé qu'il était impensable d'opérer un tel report et d'organiser ce transfert de dette massif sans garantir pleinement et entièrement les recettes qui, conformément à la lettre et à l'esprit de la loi organique de 2005, seront affectées à la Caisse pour assurer l'amortissement de cette dette nouvelle.

La pérennité des recettes de la Caisse est, non seulement un impératif pour sa bonne gestion, pour garantir que son échéance ne sera pas une nouvelle fois reportée faute de recettes suffisantes à l'avenir, mais également un enjeu crucial pour la position de la Caisse, qui se finance sur les marchés. En effet, la signature de la CADES est aujourd'hui irréprochable puisqu'elle bénéficie d'une qualité de signature publique. Toutefois, la forme et la force de la parole publique sont une garantie supplémentaire qui n'est pas insensible aux arbitrages des investisseurs.

Dès que la reprise de dettes de 68 milliards d'euros sera réalisée, la CADES devra procéder à des émissions à court terme pour des montants très importants, de l'ordre de 10 milliards d'euros par mois, à partir de la fin du mois de janvier, début février 2011 sans doute, ce qui ne fait que renforcer l'exigence de qualité de la signature que j'ai évoquée précédemment.

C'est pour ces raisons que les parlementaires ont proposé de modifier le texte organique, afin de garantir le principe qui a prévalu depuis la création de la CADES, à savoir celui de l'affectation d'une recette dédiée, que ce soit la CRDS, et depuis 2009, d'une fraction de la CSG, dont l'assiette est quasiment identique à celle de la CRDS.

Nous ne pouvons que nous féliciter d'avoir porté une évolution substantielle du projet initial, le Gouvernement ayant sur ce point accédé à notre demande. C'est ce que confirme le débat sur la première partie du projet de loi de finances et que devraient confirmer également nos débats sur le PLFSS. En effet, il a été acté que les recettes qu'il était prévu d'affecter à la CADES, par des réductions de dépenses fiscales et sociales dans le secteur des assurances seraient affectées à la Caisse nationale d'allocations familiales et non à la CADES. J'insiste là encore car je sais que des craintes se sont fait jour : il ne s'agit en aucune façon de fragiliser la branche famille, qui voit ses recettes garanties pour 2011 et en très large part pour 2012, mais seulement de respecter scrupuleusement les principes organiques qui gouvernent la CADES.

Le transfert de ces recettes aux organismes de sécurité sociale ne fait que confirmer la nécessité de trouver des solutions de financement pérennes pour faire face à des déficits structurels, en particulier ceux de l'assurance maladie. C'est d'ailleurs ce que je proposerai, en tant que rapporteure pour avis du PLFSS, dans le cadre du débat sur ce texte tout à l'heure.

Je rappelle enfin que le schéma de financement proposé intègre les déficits prévisionnels de la branche vieillesse jusqu'à l'horizon fixé par la réforme des retraites, c'est-à-dire 2018. Ce financement sera assuré par la mobilisation de produits d'actifs du FRR à hauteur de 2,1 milliards par un décaissement linéaire, mais également par le produit du prélèvement social de 2 % sur les produits de placement qui lui est affecté à hauteur de 65 %, pour un produit de 1,5 milliard d'euros.

Ce sont ainsi 3,6 milliards d'euros qui seraient mobilisables chaque année par la CADES Cette dimension du schéma de financement est essentielle. Elle conditionne en effet la mise en oeuvre de la réforme des retraites, et permet donc d'assurer que les déficits futurs de la CNAV et du FSV seront bien intégralement financés.

Ce projet de loi organique ainsi modifié propose une option de traitement de la dette sociale ; il en fixe le cadre et se donne comme un véritable « test de résistance » des organismes de sécurité sociale face au risque financier. Dans ce paysage institutionnel, la CADES est en quelque sorte la clé de voûte du dispositif. Il convient que le cadre du transfert massif de la dette qui va être opéré, et qui est inéluctable, puisse s'effectuer dans un cadre de solidité suffisante.

C'est ce que permet de garantir le cadre organique ainsi modifié. Notre système ne peut s'exposer, en effet, à un affaiblissement de la parole publique s'agissant du portage de la dette sociale.

Mes chers collègues, ce projet de loi organique sort renforcé du débat parlementaire. Toutefois, le risque financier de la sécurité sociale reste un risque dans le risque car il n'est pas complètement écarté…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion