Je commencerai la défense de cet amendement en citant Confucius, une fois n'est pas coutume. Celui-ci disait : « Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté ».
En vous acharnant à remplacer, depuis deux ans maintenant, le terme « vidéosurveillance » par celui de « vidéoprotection », c'est effectivement un peu plus de liberté que vous enlevez aux Français. En dépossédant les mots de leur sens, vous les trompez, vous les abusez.
Laissez-moi, d'abord, faire un petit peu de sémantique. Que veut dire le verbe « protéger » ? Il signifie aider de manière à mettre à l'abri d'une attaque, des mauvais traitements, d'un danger. Et que veut dire le verbe « surveiller » ? Il signifie observer avec une attention soutenue, de manière à exercer un contrôle ou observer le comportement de quelqu'un pour vérifier qu'il ne manque pas à son devoir. À votre avis, mes chers collègues, quel serait des deux verbes le plus approprié sémantiquement ? Les dispositifs vidéos permettent-ils de « mettre à l'abri du danger », comme le signifierait l'emploi du terme « protéger », ou bien les dispositifs vidéos permettent-ils d'« observer avec une attention soutenue » ? De façon certaine, en ce qui concerne la sémantique, l'emploi du terme vidéosurveillance semble le plus approprié.
En ce qui concerne les effets concrets de l'utilisation de dispositifs vidéos à des fins sécuritaires, voici ce que dit le sociologue Laurent Mucchielli à propos de Lyon : « L'impact de la vidéosurveillance sur la délinquance (...) est de l'ordre de 1 % ». En Grande-Bretagne, selon Mike Neville, responsable du bureau des images et détections visuelles de la police de Londres, l'utilisation de cette technologie est « un véritable fiasco (..) seuls 3 % des [vols effectués sur la voie publique à Londres] ont été résolus grâce aux caméras de surveillance ». Et les exemples de ce type sont nombreux. Même le rapport du ministère de l'intérieur sur l'efficacité de la vidéoprotection – juillet 2009 – ne parvient pas à démontrer l'efficacité du dispositif, mais conclut en revanche qu'il a des coûts d'investissement et de fonctionnement élevés.
Je terminerai par une citation de la Commission nationale consultative des droits de l'homme qui résume bien le problème : « Le glissement sémantique entre vidéosurveillance et vidéoprotection trahit bien l'embarras du législateur pour justifier de la mise en place de systèmes particulièrement onéreux et dont l'efficacité ne fait pas l'unanimité ». Je ne ferai qu'une objection à cette citation : vous savez bien que le législateur n'y est pour rien puisque tout cela arrive ficelé dans l'hémicycle.