Vous venez de déclarer, monsieur le ministre, que nous devons agir avec intelligence pour traiter la question de la dette sociale en donnant à la CADES les moyens de la résorber. Mais il existe, à l'évidence, plusieurs formes d'intelligence pour traiter de la dette sociale, si j'ai bien écouté MM. Warsmann et Bur.
On parle de dettes, parce qu'il y a des déficits. Les chiffres ont été rappelés : 80 milliards cumulés fin 2011. L'ACOSS porte ces déficits, alors que ce n'est pas sa mission, ce qui a été dénoncé à plusieurs reprises par la Cour des comptes. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a autorisé l'ACOSS à recourir à des financements de court terme, jusqu'à un plafond inédit, d'une ampleur dangereuse, de 65 milliards d'euros.
Dans leur sagesse, les commissions compétentes, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, avaient, depuis deux ans, fait des propositions pour organiser la reprise du déficit, sans allongement de la durée de vie de la CADES, en lui apportant des ressources nouvelles par une augmentation notamment de la CRDS. Ces votes en commission s'étaient sans doutes heurtés au veto élyséen et le Gouvernement avait fait reculer le Parlement en se cantonnant à une position d'attente, vite apparue intenable, du fait de l'ampleur des déficits portés par l'ACOSS.
Face à cette situation, une commission dite de la dette sociale, comprenant sept députés et sept sénateurs, a été créée. Elle s'est réunie trois fois. Au cours de la dernière réunion, le Gouvernement a présenté sa solution, véritable usine à gaz avec quatre rampes de lancement. Pas moins de quatre lois seront concernées : le présent projet de loi organique, le PLFSS 2011, le PLF 2011 et la réforme des retraites.
La sortie de l'attentisme se fait au prix d'un renoncement grave : l'allongement de quatre ans de la durée de vie de la CADES, qui expirera en 2025 au lieu de 2021 comme le prévoyait une l'article 20 de la loi organique du 2 août 2005 votée solennellement par le Parlement. La loi organique avait alors été présentée comme une exigence morale : ne pas renvoyer sur les générations futures les déficits d'aujourd'hui. Tel sera pourtant le cas. En 2025, les cotisants seront doublement pénalisés : par les cotisations qu'ils verseront pour la prolongation de la durée de vie de la CADES, d'une part, mais aussi par l'extinction du Fonds de réserve des retraites qui devait, au départ, être utilisé pour absorber le choc démographique de 2020-2025.
Il s'agit aujourd'hui de cantonner dans la CADES pas moins de 130 milliards d'euros, que vous divisez en trois catégories. La première de ces catégories est la « dette de crise », dette conjoncturelle due à l'impact de la crise du capitalisme financier sur l'emploi et les salaires, et à ses répercussions sur les déficits cumulés des caisses d'assurance maladie et vieillesse, ainsi que de la branche famille et du Fonds de solidarité vieillesse constatés fin 2010 et supportés par l'ACOSS.
Cela signifierait-il que la crise s'achèverait en 2010 et que les déficits futurs ne seraient plus que structurels ? Pourtant, vous prévoyez toujours des déficits élevés dans vos prévisions triennales. M. Monnier, secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, a récemment présenté son rapport annuel à Bercy. Il y observe qu'un déficit conjoncturel qui se prolonge devient un déficit structurel. Or, cette « dette de crise » serait renvoyée à la période d'allongement de la durée de vie de la CADES.
Deuxième catégorie ; la dette structurelle pour les années 2009-2011, soit 34 milliards d'euros, transférés à la CADES. Les déficits de la caisse d'assurance vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse seraient traités par la loi sur les retraites pour un montant prévisionnel de 62 milliards d'euros : les actifs du Fonds de réserve des retraites seraient consacrés à sa reprise.
Nous contestons cette présentation en raison de l'injustice qu'elle induit. Les jeunes auront à supporter les cotisations de CRDS pendant quatre ans supplémentaires au moins, tandis que les actifs du Fonds de réserve des retraites qui leur étaient destinés auront pour l'essentiel disparu.
La durée de vie fera partie de nos débats sur l'article 1er. Certains membres de la majorité, conformément à leurs choix, refusent qu'une loi organique soit remaniée au gré des circonstances – ou des entêtements élyséens.