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Intervention de Yves Bur

Réunion du 12 octobre 2010 à 15h00
Gestion de la dette sociale — Discussion d'un projet de loi organique adopté par le sénat après engagement de la procédure accélérée

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Bur, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un humour décapant, Jean-Marc Vittori comparait, dans Les Échos du 21 septembre dernier, le Gouvernement au capitaine Haddock. Si celui-ci était accro aux caisses de whisky, la France et l'État seraient accros à une autre caisse, non pour la vider, mais pour la remplir le plus régulièrement possible, et de préférence sans avoir à payer la note, du moins en apparence : je veux bien sûr parler de la CADES.

Alors que, en 2005, à l'initiative de Jean-Luc Warsmann, nous avions décidé avec gravité la fermeture législative de la caisse d'amortissement de la dette sociale en 2021, vous demandez aujourd'hui aux mêmes acteurs, monsieur le ministre, de maintenir cette caisse en vie afin qu'elle redevienne la machine à lessiver les déficits sociaux qu'elle était devenue entre 1996 et 2005.

En agissant de la sorte, nous avions mis en place un verrou qui devait avoir une vertu pédagogique : mettre en évidence le coût du transfert des déficits de la sécurité sociale afin de privilégier le retour à l'équilibre des branches par les réformes nécessaires.

Il faut bien reconnaître que les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances. Il est difficile de demander aux Français d'accepter les réformes qu'exigerait pourtant la situation de nos comptes sociaux, que la crise financière n'a pas épargnés, bien au contraire. Pourtant, ce sont bien les pays européens qui ont su réformer et moderniser leur système social qui sont les mieux armés pour sortir de la crise tout en rétablissant le plus rapidement possible leur situation budgétaire.

Ce qui est en jeu, c'est de savoir si ce pays est capable de penser à ses jeunes et de leur préparer un avenir qui ne se résume pas à une montagne de dettes pour financer notre millefeuille social unique en Europe et payé à crédit.

Nous avons tellement habitué les Français aux facilités de l'endettement, qui agit comme une drogue douce, qu'ils ont du mal à comprendre pourquoi cela ne serait plus possible et pourquoi une modernisation de notre système de solidarité est incontournable.

En proposant une fois encore de repousser l'horizon d'amortissement de la dette sociale et en dépit des réels efforts qu'il nous propose dans le projet de loi de finances pour 2011, le Gouvernement entretient l'illusion de l'innocuité de la dette. En refusant d'assumer une rigueur, qui est pourtant non pas une insulte mais une nécessité pour redresser durablement notre pays et lui permettre de mieux profiter de la croissance mondiale, nous nous privons de nombreux leviers pour accélérer cette prise de conscience, pour lui donner sens au service des générations futures.

Comme le président et rapporteur de la commission des lois, je considère que les lois organiques doivent fixer des règles durables ; elles n'ont pas vocation à devenir des lois de circonstance. Il serait de plus paradoxal de demander au Parlement d'introduire, à travers des dispositions sinon constitutionnelles, du moins organiques, une obligation d'équilibre des finances publiques, c'est-à-dire de soumettre le pilotage de nos finances publiques aux contraintes d'une règle d'or parée de toutes les vertus de la rigueur, tout en lui proposant de prendre plus de liberté avec une des seules petites règles d'or dont nous nous sommes dotés, il y a à peine cinq ans. En 2005 déjà, le rapport de la commission sur la dette publique soulignait que le choix de la facilité était, depuis vingt-cinq ans, la principale cause du niveau très préoccupant de notre dette publique.

La situation ne s'est pas arrangée depuis, bien au contraire. En effet, malgré l'allongement qui nous est proposé, la dette sociale est coûteuse : à la fin de 2011, après la reprise des déficits cumulés de 76,2 milliards d'euros, la charge de la dette sera de plus de 5,7 milliards d'euros, qui seront versés sous forme d'intérêts à nos créanciers – qui, pour l'essentiel, sont étrangers. C'est l'équivalent de la moitié du déficit de l'assurance-maladie.

En réalité, plutôt que de parler du recyclage des déficits et du financement de la dette, nous devrions traiter du financement de la sécurité sociale, dont les déficits structurels, et quelquefois conjoncturels, ne sont que la conséquence de réformes partielles et de recettes insuffisantes. Si nous ne sommes pas capables d'assurer l'équilibre financier de la sécurité sociale avec une croissance moyenne du PIB de l'ordre de 1,5 %, nous continuerons à générer des déficits, qui sont injustifiables s'agissant de dépenses courantes ; M. le président de la commission des lois l'a rappelé avec éloquence.

La réforme des retraites, que nous défendons parce qu'elle est nécessaire, constitue à cet égard un premier pas dans la bonne direction. Il s'agit à présent de penser au financement durable de nos dépenses de santé, sans oublier la branche famille dont le retour à une situation financière saine n'est envisagé qu'à l'horizon 2025.

À défaut, la CADES aura encore un bel avenir et, comme le verrou organique aura sauté une première fois à votre initiative, je prends le pari que, d'ici à 2025, d'autres justifieront le recours à cette facilité par le précédent que vous nous proposez d'entériner aujourd'hui.

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