La dernière fois, dans l'histoire de notre pays, qu'un Parlement a voté des autorisations de faire de la cavalerie, c'était sous la IVe République, avec les comptes d'affectation spéciale du Trésor. C'était exactement la même chose : il s'agissait de financer des dépenses de fonctionnement par des emprunts que l'on camouflait à l'époque dans un compte d'affectation spéciale du Trésor.
En l'occurrence, comme les deux cavaleries se voient un peu trop, vous n'en laissez qu'une à la CADES et vous mettez la seconde à la sécurité sociale : avec des recettes en monnaie de singe pour la sécurité sociale et un transfert des cotisations de CSG, des recettes pérennes, le trou de 27 milliards est transféré de la CADES au régime de sécurité sociale. S'il est logé, comme il en est question, dans la branche famille, cela signifie que, en autorisant un tel dispositif, nous décidons d'ores et déjà que 27 milliards d'euros de prestations familiales ne pourront pas être versés dans les années à venir, c'est-à-dire que nous mettons un gigantesque coup de bulldozer dans toute la politique familiale de la France. Je ne crois pas que nous ayons été élus pour cela.
Mes chers collègues, je trouve cela inacceptable, d'autant plus que j'ai écouté avec beaucoup d'attention le Président de la République nous expliquer qu'il y avait un enjeu très fort dans ce qu'on appelle la convergence avec l'Allemagne. Les deux principaux pays européens ne peuvent pas diverger. Vous l'avez dit encore la semaine dernière, monsieur le ministre, alors que vous participiez au débat sur le bouclier fiscal : il faut une convergence avec l'Allemagne.
En Allemagne, l'article 115 de la Constitution pose le principe que l'État fédéral ne peut pas emprunter pour autre chose que de l'investissement. En mai 2007, l'équivalent allemand du Conseil constitutionnel a indiqué que cette disposition n'était pas assez stricte et l'Allemagne vient de modifier sa constitution pour que le déficit moyen des finances publiques soit de 0,35 %.
Oui, je vous applaudis des deux mains lorsque vous expliquez qu'il faut converger avec l'Allemagne : c'est la logique, l'intérêt de notre pays, et c'est nécessaire pour la compétitivité de notre économie. Mais, en France, nous n'avons pas de dispositions constitutionnelles pour limiter le déficit de l'État et le déficit de la sécurité sociale, nous n'avons qu'une petite disposition cadre imposant de prévoir des recettes pour rembourser l'emprunt lorsque la sécurité sociale emprunte pour des dépenses de fonctionnement. Au moment où le Président de la République, le Gouvernement et le ministre du budget disent qu'il faut converger avec l'Allemagne, on prend la direction inverse et on écarte la seule règle qui existe dans notre pays. Je le dis comme je le pense, c'est affaiblir la crédibilité de la parole financière de la France.