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Intervention de Gaëtan Gorce

Réunion du 6 octobre 2010 à 10h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaëtan Gorce, rapporteur :

Ces deux propositions de loi tirent simplement les leçons de certains événements survenus depuis trois ans. Des évolutions juridiques nous semblent en effet nécessaires pour prévenir des comportements dont tous les représentants de la nation et défenseurs de ses institutions que nous sommes auraient à souffrir.

Elles concernent le régime d'incompatibilité applicable aux membres du Gouvernement. Force est en effet de constater que certaines confusions sont susceptibles de nourrir des suspicions aussi préjudiciables à notre République et à son image que certains comportements avérés faisant l'objet de poursuites pénales. Afin de prévenir de telles suspicions, il nous paraît nécessaire de mieux définir le conflit d'intérêts dans l'exercice de fonctions gouvernementales. La voie juridique pour y parvenir est escarpée puisqu'il nous faut proposer à la fois une proposition de loi constitutionnelle et une proposition de loi organique. En effet, l'article 23 de la Constitution énumère limitativement les incompatibilités applicables aux membres du Gouvernement mais, à la différence de ce que prévoit la loi fondamentale pour toutes les autres incompatibilités qu'elle énonce, concernant, par exemple, les membres du Parlement ou les membres du Conseil constitutionnel, il n'y a pas de renvoi à une loi organique permettant d'allonger cette liste. Notre proposition de loi constitutionnelle vise donc à combler cette lacune.

Notre proposition de loi organique, précisément, introduit deux nouvelles incompatibilités pour parvenir à notre objectif d'une République décente. L'article 23 de la Constitution vise à garantir l'indépendance des membres du Gouvernement vis-à-vis d'intérêts privés ou partisans. L'esprit de la Constitution a d'ailleurs conduit des décennies durant à ce que tel soit de facto le cas, le Président de la République et le Premier ministre veillant à empêcher les conflits d'intérêts. La situation a évolué, notamment depuis la cohabitation, et des personnes ont pu occuper des fonctions gouvernementales tout en conservant leurs responsabilités au sein de leur parti. Cela ne peut que susciter des contestations quand ce cumul porte sur des responsabilités mettant en jeu les intérêts financiers de ces partis ou de leurs donateurs. Je fais bien évidemment allusion à une situation particulière, que le simple bon sens aurait dû conduire à éviter mais que la loi constitutionnelle n'interdit pas aujourd'hui. Sans accuser qui que ce soit, il conviendrait au nom de l'éthique qu'il ne soit plus possible d'avoir en même temps la charge des finances de l'État et de celles du parti majoritaire.

D'où notre première proposition, simple, que la fonction de membre du Gouvernement soit incompatible avec l'exercice d'une responsabilité exécutive dans toute structure à laquelle les dons et versements ouvrent droit à une réduction d'impôt au titre de l'article 200 du code général des impôts. Le régime actuel des incompatibilités ministérielles vis-à-vis d'intérêts privés étant aujourd'hui beaucoup plus souple que celui des parlementaires, notre seconde proposition est qu'un membre du Gouvernement ne puisse, directement ou indirectement, avoir des intérêts dans des organismes soumis au contrôle de son administration, et de nature à compromettre son indépendance. Il s'agit de prévenir toute possibilité de conflit d'intérêts – le délit de prise illégale d'intérêt consistant, lui, en un conflit d'intérêts avéré ayant abouti à ce qu'un membre du Gouvernement ou l'un de ses proches tire avantage de l'exercice de ses fonctions. De façon à rendre le dispositif pleinement opérationnel, j'ai déposé un amendement exigeant des ministres qu'à leur nomination, ils transmettent une déclaration d'intérêts au Conseil constitutionnel, lequel les informera, le cas échéant, d'une prise d'intérêts incompatible avec leurs nouvelles fonctions et les invitera à la faire cesser dans un délai de deux mois.

Tout en renonçant à définir le conflit d'intérêts, tant il serait difficile d'englober sous une définition unique l'infinie diversité des situations possibles, nous proposons un dispositif clair et simple. Il ne s'agit que de prévenir les conflits d'intérêts, leur sanction, si des infractions devaient être constatées, relevant de la justice pénale.

Je forme le voeu que ces deux propositions de loi reçoivent le meilleur accueil. Je n'ignore pas que des réflexions sont engagées ici et là sur ces questions, à l'initiative notamment du Président de la République. Mais il nous a semblé utile que le Parlement se saisisse du sujet ; nos deux textes ne constituent qu'un minimum minimorum car pour garantir réellement ce que nous avons appelé une « République décente », beaucoup d'autres dispositions seraient nécessaires – mais à l'impossible nul n'est tenu.

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