Il est dommageable que sur un article aussi important le groupe SRC soit quasiment privé de temps de parole. Le groupe GDR a lui-même peu de temps pour s'expliquer.
Cette mesure est autonome : elle n'est dictée par aucun impératif de transposition d'une quelconque directive européenne. Elle est même contraire à l'esprit de la directive qui exige que le contrôle juridictionnel de la légalité de la rétention intervienne « dans les meilleurs délais ». On peut considérer que les quarante-huit heures étaient les meilleurs délais.
Le projet de loi ne prévoit aucun recours suspensif permettant l'exercice effectif de ce droit.
Conformément à l'article 66 de la Constitution, : « nul ne peut être arbitrairement détenu ». On peut considérer que cela devient arbitraire à partir de cinq jours.
Je rappelle que le juge constitutionnel avait considéré comme contraire à la Constitution le maintien en détention pendant sept jours sans que le juge judiciaire ait à intervenir, de plein droit ou à la demande de l'intéressé.
Le Conseil constitutionnel rappelait également que l'intervention du juge devait avoir lieu dans le plus court délai possible.
Le paragraphe 3 de l'article 5 – Droit à la liberté et à la sûreté – de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précise que « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit à être jugé dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. » La disposition critiquée viole donc également la Convention.
Dans son avis sur le projet de loi, la Commission nationale consultative des droits de l'homme consacre un long développement sur la « marginalisation du contrôle du juge judiciaire auquel il conduirait ». La Commission relève notamment que « l'argument selon lequel le contrôle du juge judiciaire est un obstacle à l'efficacité de la politique migratoire ne saurait constituer une justification acceptable au regard de la gravité d'une mesure privative de liberté… Le prétendu enchevêtrement des procédures ayant trait au placement en rétention de l'étranger, découlant de l'intervention constitutionnellement garantie des deux ordres de juridiction, l'un pour le contrôle de la légalité des décisions administratives, l'autre gardien de la liberté individuelle, est en réalité une garantie du respect des droits des étranges faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ».
Cet allongement du délai avant la saisine du JLD porte profondément atteinte à la liberté individuelle. En effet, si un étranger est placé sur le fondement d'une mesure d'éloignement exécutable d'office, mais que son interpellation est irrégulière, comme c'est le cas trop fréquemment, aucun juge, ni pénal ni civil, ni administratif – faute d'être compétent – ne pourra contrôler la régularité de la procédure et les atteintes aux droits fondamentaux des personnes concernées, si la mesure est exécutée dans le délai des cinq jours.
L'intervention du juge après le cinquième jour pose aussi un problème d'asymétrie ou de disproportion par rapport à d'autres régimes privatifs de liberté. En matière de garde à vue, la personne soupçonnée d'être en lien avec une entreprise terroriste peut être maintenue pendant quatre-vingt-seize heures, c'est-à-dire quatre jours. L'étranger qui n'est pas accusé de terrorisme peut quant à lui être privé de liberté pendant cinq jours auxquels il faudra ajouter la durée de la garde à vue précédant le placement en rétention !
Si le projet de loi est adopté dans l'état, nombre de ces personnes risquent d'être éloignées sans que le juge des libertés et de la détention ait pu exercer son contrôle en tant que gardien de la liberté individuelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)