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Intervention de Fadela Amara

Réunion du 8 septembre 2010 à 15h15
Commission des affaires économiques

Fadela Amara, secrétaire d'état chargée de la politique de la ville :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d'abord de saluer votre initiative d'organiser une audition sur la politique de la ville. Je remercie chacun d'entre vous d'être présent pour échanger sur ce sujet crucial pour notre cohésion sociale – mais je vous sais tous très soucieux du devenir de nos quartiers et de leurs habitants, qui constitue un enjeu national.

Afin de vous permettre de mesurer l'importance de mon champ d'action, je tiens d'abord à vous indiquer l'étendue des territoires dont j'ai la charge.

Les actuelles 751 zones urbaines sensibles, dont la liste a été arrêtée en 1996, concernent 491 communes où vivent près de 4 millions d'habitants. Si l'on y ajoute les quartiers non situés en zone urbaine sensible, mais couverts par les contrats urbains de cohésion sociale, ce sont 2 493 quartiers dans 917 communes, soit au total 26 millions d'habitants, qui sont concernés. Une telle étendue impose d'abord une identification des quartiers les plus difficiles, qui doivent recevoir, comme l'ont montré les incidents récents à Grenoble, des moyens plus concentrés.

La réforme qui sera menée en 2011 doit impliquer une redéfinition des zonages selon des critères affinés, collant mieux à la réalité d'aujourd'hui. Vous en conviendrez : ce n'est pas avec le seul budget de la politique de la ville, aussi important soit-il, que je peux faire face à toutes les difficultés que connaissent ces territoires. C'est pourquoi, dès ma nomination, j'ai fait du retour du droit commun le coeur de ma politique. C'est en réalité tout le sens de la dynamique « Espoir banlieues », qui consiste à mobiliser tous les acteurs – l'État, autrement dit chaque ministère, les collectivités locales, les entreprises et les associations – pour qu'ils répondent ensemble aux besoins spécifiques de chaque quartier relevant de la politique de la ville. Cette logique s'impose jour après jour, cette dynamique est à présent en marche, en parfaite conformité avec les priorités fixées par le Président de la République en février 2008.

Les résultats sont là, même s'il faut reconnaître que la mobilisation des ministères reste inégale – nous savons tous qu'il faut du temps pour changer les habitudes. Ainsi que je le dis souvent, la politique de la ville marche sur deux jambes : l'humain et l'urbain. L'un ne va pas sans l'autre.

La dynamique définie par le Président de la République s'applique à quatre grands domaines : la rénovation urbaine et le désenclavement, l'éducation, l'emploi et la sécurité.

En ce qui concerne l'éducation, la mise en place de l'accompagnement éducatif, financé à hauteur de 260 millions d'euros, est un premier exemple de mobilisation. Les programmes de réussite éducative sont par ailleurs un succès, comme en témoigne le nombre croissant des élus qui en sollicitent l'extension. Les 90 millions d'euros qui y sont consacrés permettent à près de 100 000 enfants d'être suivis cette année. Cette action sera reconduite l'année prochaine.

Agir pour la réussite éducative, c'est aussi aider ceux qui « décrochent ». D'où le développement des écoles de la deuxième chance et des centres EPIDE (établissement public d'insertion de la défense) qui accueillent aujourd'hui plus de 10 000 jeunes sortis du système scolaire sans diplôme et sans qualification.

Par ailleurs, afin d'accroître les chances de réussite des élèves méritants, 500 millions d'euros ont été débloqués dans le cadre du grand emprunt national pour développer les internats d'excellence annoncés par le Président de la République. En ce mois de septembre, ils ont reçu plus de 6 200 élèves. Onze nouveaux sites viennent d'être créés en lien avec l'Éducation nationale, répartis sur tout le territoire : ils sont situés à Barcelonnette, à Noyon, à Sourdun, à Cachan, à Douai, à Montpellier, à Metz, à Nice, à Langres, au Havre et à Marly-le-Roi. Les élèves méritants issus d'un milieu modeste y trouvent les conditions de travail optimales qu'ils n'ont pas chez eux, et bénéficient d'une pédagogie innovante et d'un accompagnement personnalisé.

La démocratisation de la réussite scolaire, c'est également l'égalité sociale pour l'accès aux filières d'excellence. On sait que l'origine sociale influe fortement sur la réussite des élèves et que les élites continuent de se reproduire. Nous avons voulu casser ce déterminisme pour donner corps à cette valeur fondamentale de la République qu'est l'égalité. Aujourd'hui, et nous ne pouvons que nous en féliciter, 30 % d'élèves boursiers ont accès aux grandes écoles : ENA, HEC, ESSEC. Grâce aux 250 « Cordées de la réussite », ce sont 14 000 élèves qui sont à même d'accéder aux filières d'excellence de l'enseignement supérieur. Je tenais à souligner ces résultats car l'on m'avait opposé, à mon arrivée au ministère, la difficulté de mettre en place un tel dispositif. Or ce gouvernement ne s'est pas borné à constater : il a agi pour ouvrir l'élite à la diversité sociale.

Avec l'éducation, l'emploi est une priorité absolue, d'autant que la crise frappe avant tout nos quartiers populaires et notre jeunesse. Parmi toutes les mesures que nous avons pries, je veux surtout insister sur celle, pragmatique et efficace, que constitue le contrat d'autonomie.

Reposant sur un partenariat public-privé, ce dispositif offre aux jeunes, en particulier à ceux qui étaient les plus éloignés de l'emploi et échappaient aux dispositifs d'insertion existants, une formation qualifiante ou un accompagnement dans leur insertion professionnelle. Après un démarrage difficile, plus de 32 000 jeunes ont bénéficié de ces contrats, dont 4 600 ont abouti à un emploi stable ou à une formation qualifiante, ou ont constitué une aide à la création d'entreprise.

Dans l'esprit de cette dynamique, j'ai souhaité mobiliser les entreprises. L'appel national pour l'emploi des jeunes des quartiers a été un succès. Aujourd'hui, 102 entreprises sont signataires, et nous comptabilisons 39 000 emplois créés, 10 000 contrats en alternance et 13 500 stages.

Le Conseil national des entreprises pour la banlieue (CNEB) sert le même objectif. Il a lancé plusieurs actions pilotes territorialisées, notamment à Creil et à Nice, en lien avec les universités de Picardie et de Sophia Antipolis, afin de construire un parcours professionnel sécurisé et adapté aux difficultés des jeunes des quartiers, leur permettant d'acquérir un diplôme et une qualification.

Par ailleurs, le CNEB a lancé des expérimentations sur le numérique, qui seront évaluées fin 2011. Le Gouvernement est très attentif à la fracture numérique. C'est pourquoi nous mettons actuellement en place, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, un programme spécifique pour les quartiers les plus dépourvus à cet égard.

La lutte contre le chômage est inséparable de la question de la mobilité, indispensable pour casser les ghettos. C'est pourquoi le désenclavement constitue un volet essentiel de la politique de la ville. Nous y avons consacré 500 millions d'euros, dont 250 pour financer des infrastructures de transports en commun desservant les quartiers populaires en Île-de-France, cependant que 37 projets concernent le reste du territoire national.

La rénovation urbaine constitue la pierre angulaire la plus visible de la politique de la ville. Le programme national de rénovation urbaine – PNRU – défini par Jean-Louis Borloo en 2003 bénéficie de 12 milliards d'euros, qui génèrent 42 milliards de travaux et 400 000 emplois. Chaque mois, l'ANRU paie 110 millions d'euros pour les 375 projets, et ce seront 1,4 milliard d'euros qui seront mobilisés sur l'année 2010. C'est un chiffre colossal, sans précédent dans l'histoire du développement urbain. Pour la première fois, le rapport démolitions-constructions s'inverse : on produit aujourd'hui plus de logements sociaux qu'on n'en détruit, ce qui est une petite révolution !

Afin de conforter ces avancées, je souhaite enfin rendre opérationnelle la gestion urbaine de proximité. Cela passe par une vigilance accrue sur la question des halls d'immeubles, par la formation des gardiens et par l'implication du citoyen dans cette gestion de proximité.

Dernière priorité : la sécurité, qui est un droit fondamental que notre République doit garantir notamment aux familles les plus modestes. C'est pourquoi, dans le cadre de la dynamique « Espoir banlieues », nous avons lancé dès 2008 avec Brice Hortefeux les UTEQ (unités territoriales de quartier) ; 34 ont été mises en place. Cet été, à Toulon, le ministre de l'intérieur a annoncé la création de « brigades spéciales de terrain ». Deux sont en place, à Perpignan et à Toulon, et 24 le seront d'ici à la fin d'octobre, l'objectif étant d'en compter 60 à la fin de l'année.

J'en viens aux perspectives.

Je souhaite aujourd'hui aller plus loin dans la dynamique. Cela passe, en particulier, par le renforcement de la mixité sociale, par le développement de la démocratie participative au coeur des quartiers – priorité, à mes yeux, pour les prochaines années –, et par la réforme de la géographie prioritaires, dès 2011.

Dès ma prise de fonctions, j'ai favorisé toutes les mesures concourant à la mixité sociale, comme le « busing » – très décrié, mais qui s'est révélé être une belle réponse à la ghettoïsation de nos écoles dans nos quartiers – ou comme les « Cordées de la réussite ». À présent, il est nécessaire d'aller plus loin, afin de créer une nouvelle dynamique de peuplement des quartiers. Il faut arrêter de concentrer les populations pauvres ou les populations immigrées dans les mêmes villes et les mêmes quartiers, surtout quand ces derniers ont fait l'objet d'une rénovation urbaine.

Cet objectif implique une évolution de la loi DALO (droit au logement opposable). Si cette dernière représente une incontestable avancée pour les populations les plus fragiles de notre pays, il faut aussi s'interroger sur ses effets dans les quartiers rénovés, notamment sur le risque de ghettoïsation qui guette aujourd'hui certains d'entre eux. Ils ne peuvent être les seuls réceptacles de la loi DALO si l'on ne veut pas perdre d'ici à quelques années le bénéfice du plan Espoir banlieues et de la rénovation urbaine.

Comme vous le savez, je crois profondément à la démocratie participative. J'ai sollicité l'avis du Conseil national des villes sur les pratiques de participation des habitants dans les territoires de la politique de la ville. Il s'agit de savoir, par exemple, comment les associations peuvent être mieux et davantage impliquées dans ces processus de participation, compte tenu du taux d'abstention particulièrement préoccupant constaté dans les quartiers populaires lors des récents scrutins. Surtout, si les habitants ne prennent pas en charge eux-mêmes leur destinée économique, professionnelle, familiale et sociale, l'amélioration de leurs conditions de vie restera fragile et superficielle. L'adhésion à la vie de la cité est indispensable pour favoriser le sentiment d'appartenance à la Nation et l'adhésion aux valeurs de la République.

Au-delà de ces actions, il nous faut évidemment continuer à renforcer la solidarité financière avec les villes pauvres. Malgré le contexte budgétaire difficile, nous avons déjà consolidé la DSU (dotation de solidarité urbaine) et pérennisé la DDU (dotation de développement urbain), avec le soutien déterminé des parlementaires. Cette nécessité de conforter la solidarité entre les quartiers est au coeur de l'indispensable réforme de la géographie prioritaire que le Gouvernement mènera en 2011. Si mon souhait est de réaliser celle-ci dès 2010, je reste persuadée que, comme le Président de la République l'a rappelé dans son discours de Grenoble en juillet dernier, il est à présent nécessaire de concentrer notre action sur les territoires les plus en difficulté.

La dynamique est en marche. Vous et moi en avons conscience : il reste beaucoup à faire, mais c'est ensemble que nous pouvons réussir.

Je termine en répondant à deux de vos questions, monsieur le président.

D'abord à celle qui portait sur la « bosse de l'ANRU ». Le président Hamel le sait : en 2011, les besoins de financement de l'Agence seront très importants – de l'ordre de 250 millions d'euros. Ils seront couverts. Plusieurs pistes – financement par l'Union sociale du logement (USL), financement par un nouveau système de péréquation entre bailleurs… – sont actuellement à l'étude et nous travaillons sur le sujet en étroite collaboration avec le cabinet de Benoist Apparu et, bien sûr, avec les bailleurs sociaux.

Enfin, s'agissant des zones franches urbaines, appelées à disparaître en 2011, j'ai mis en place un groupe de travail qui, présidé par Éric Raoult, nous éclairera sur les décisions à prendre sur ce sujet ainsi que sur celui du développement économique dans les quartiers. Aujourd'hui, 50 000 établissements sont implantés dans les ZFU, dont 20 000 bénéficient de l'exonération des cotisations sociales. La réforme du dispositif en 2009, combinée à son extinction, va générer pour le budget de l'État une économie cumulée de plus de 216 millions d'euros sur la période 2011-2013. Je souhaite qu'une partie substantielle de cette somme soit affectée à l'emploi dans les quartiers : plus de 100 000 emplois sont en jeu.

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