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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 20 juillet 2010 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique :

Sous l'effet de l'allongement de la durée de vie et du départ à la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre, notre système de retraite est aujourd'hui menacé. Le sauvegarder n'est pas seulement une nécessité rendue plus urgente par la crise économique : c'est aussi une obligation de société. Comment pourrions-nous dire que nous sommes attachés à la solidarité entre les générations – principe qui est le fondement de l'organisation de notre système de retraite – si nous reportons sans cesse la charge du financement sur les générations futures ?

Dans la continuité des réformes engagées par la même majorité en 1993, en 2003 et en 2007, ainsi qu'en 2008 pour ce qui concerne les régimes spéciaux, le Président de la République et le Gouvernement ont donc pris leurs responsabilités, en se fixant deux exigences majeures : être efficace et être juste. Le projet de loi que nous vous présentons aujourd'hui en témoigne.

Avant d'être adopté en Conseil des ministres le 13 juillet dernier, ce texte a fait l'objet de nombreuses, longues et denses consultations. Il a reçu un avis favorable des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale du régime général.

Le coeur de la réforme est l'augmentation de la durée d'activité. C'est la solution choisie par nos voisins européens, que leurs gouvernements soient de droite ou de gauche. Tous ont décidé de regarder la réalité en face, et donc choisi d'agir sur le curseur de l'âge. C'est une solution raisonnable : dès lors que nous vivons plus longtemps, il est logique de travailler plus longtemps. C'est aussi une solution responsable, à la différence de l'augmentation massive des impôts, qui pénaliserait à la fois l'emploi et le pouvoir d'achat.

Pour ne pas bouleverser les projets des Français proches de la retraite, le relèvement de l'âge légal sera progressif : il augmentera de quatre mois par an pour atteindre soixante-deux ans en 2018. Par ailleurs, l'âge d'annulation de la décote, actuellement fixé à soixante-cinq ans, sera augmenté au même rythme et dans les mêmes proportions. Il sera donc de soixante-sept ans en 2023. Cette augmentation concernera tous les assurés, quel que soit leur régime. Cependant, s'agissant des régimes spéciaux, et afin de tenir compte du calendrier de montée en charge de la réforme de 2008, le relèvement de l'âge de la retraite débutera au 1er janvier 2017.

Dans un souci d'équité, ceux qui ont commencé à travailler tôt et ceux qui sont usés physiquement par leur travail continueront à partir en retraite à l'âge de soixante ans, voire avant. Pour les premiers, le dispositif dit de « carrières longues » est prolongé et son champ d'application étendu aux personnes ayant commencé à travailler à l'âge de dix-sept ans. Ces mesures concerneront 90 000 personnes à partir de 2015. Quant aux seconds, ils bénéficieront de la mise en place d'une retraite pour pénibilité, et pourront donc continuer à partir à la retraite à soixante ans sans subir de décote. Le dispositif, sans précédent en Europe, concernera 10 000 personnes par an. À partir de 2015, ce seront donc 100 000 personnes, soit 15 % d'une classe d'âge, qui pourront bénéficier à soixante ans de la retraite à taux plein.

Il reste que la meilleure façon de lutter contre la pénibilité est de la limiter en renforçant la prévention. Nous proposons donc que les expositions à certains facteurs de risque soient désormais enregistrées dans un carnet de santé individuel au travail, de façon à permettre un meilleur suivi des personnes tout au long de leur carrière. Les discussions se poursuivent avec les partenaires sociaux pour essayer d'améliorer le dispositif d'ici à la rentrée.

Enfin, en ce qui concerne les seniors, nous proposons de créer une aide à l'embauche pour les chômeurs de plus de cinquante-cinq ans.

Nous voulons par ailleurs renforcer l'équité du système des retraites. C'est le sens, par exemple, des mesures visant à la convergence entre les secteurs public et privé. De même, des mesures portant sur 4 milliards d'euros de recettes nouvelles seront examinées à l'occasion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Elles concerneront les hauts revenus, les revenus du capital et les entreprises.

Nous souhaitons également améliorer les mécanismes de solidarité qui font la force du système de retraite d'aujourd'hui. Ainsi, pour les jeunes ayant des difficultés à entrer sur le marché du travail, le nombre de trimestres validés « gratuitement » passe de quatre à six. S'agissant des congés de maternité, les indemnités journalières seront désormais prises en compte. Jusqu'à présent, elles ne l'étaient pas, ce qui avait pour effet de diminuer le salaire de référence, et donc la pension.

Enfin, l'accès des exploitants agricoles au minimum vieillesse sera amélioré.

Certaines mesures visent à améliorer la transparence, car il est très important que l'on puisse être informé sur sa retraite. Un rendez-vous est prévu à quarante-cinq ans pour faire le point et prendre, au besoin, des mesures d'organisation différentes. Aujourd'hui, l'information est délivrée, selon les caisses, aux alentours de cinquante-cinq ans.

J'en viens aux mesures concernant la fonction publique.

Par souci d'équité, l'augmentation de la durée d'activité s'appliquera au secteur public comme au secteur privé. Dans la fonction publique, tous les seuils concernant l'âge et la durée de service seront donc augmentés de deux ans. Ainsi, les fonctionnaires des catégories actives partiront à cinquante-deux ans au lieu de cinquante, ou à cinquante-sept ans au lieu de cinquante-cinq. La durée de service minimale pour en bénéficier augmentera également de deux ans. De même, l'âge à partir duquel l'effet de la décote est annulé – à ne pas confondre avec l'âge du taux plein – sera relevé à soixante-sept ans.

En ce qui concerne les infirmières, l'âge de la retraite sera porté à cinquante-sept ans pour celles qui n'auront pas opté pour la réforme LMD (licence-master-doctorat), et il restera de soixante ans pour les autres, devenues cadres de catégorie A. Pour les infirmières nouvellement recrutées, il sera de soixante-deux ans, comme pour tous les fonctionnaires.

Sur bien des points, les règles de retraite des fonctionnaires restent différentes de celles du privé. Nous nous sommes donc engagés à les réduire sans caricaturer ni nier les spécificités de la fonction publique. C'est une question d'équité, mais c'est aussi une nécessité au regard de la forte dégradation de la situation du régime de retraite des fonctionnaires : sinon, son déficit, actuellement de 15 milliards d'euros, augmenterait de 45 % pour atteindre 22 milliards d'euros en 2020.

Première mesure de convergence : le taux de cotisation acquitté par les fonctionnaires sera aligné sur celui qui s'applique aux salariés. Il passera en dix ans de 7,85 % à 10,55 %, ce qui n'aura pas vraiment de conséquence sur le pouvoir d'achat. À l'heure actuelle, le montant de la retraite est, à salaire égal, relativement comparable entre les deux secteurs, mais on la paye moins cher lorsque l'on est fonctionnaire.

Ensuite, sur la demande insistante du COR (Conseil d'orientation des retraites), le dispositif de départ anticipé sans condition d'âge pour les parents de trois enfants justifiant de quinze ans de service sera fermé à compter de 2012 : il s'agit en effet d'une mesure de préretraite, et non d'une mesure familiale. Toutefois, l'extinction sera progressive de façon à ne pas contrecarrer les projets des personnes actuellement éligibles.

Enfin, l'accès au minimum garanti sera désormais soumis à la même exigence de taux plein que dans le secteur privé. Jusqu'à présent, les fonctionnaires en bénéficiaient dès qu'ils atteignaient l'âge d'ouverture des droits, même sans justifiant de tous les trimestres nécessaires.

Telles sont les mesures que nous proposons pour équilibrer et pérenniser notre système de retraite, et faire en sorte qu'il retrouve l'équilibre dès 2018. Si cette réforme responsable peut être comparée à celles effectuées dans d'autres pays selon le même principe, elle respecte également les particularités du modèle français, fondé sur la solidarité entre les générations.

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