Or la France a contribué à l'élaboration du droit international et à son entrée en vigueur. Elle l'a fait dans le sens de la justice, notamment par la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui est toujours à la base des statuts de l'ONU et qui est inscrite dans le préambule de la Constitution. Elle l'a fait dans le but de rechercher sans relâche les criminels contre la paix, les criminels de guerre, les criminels contre l'humanité, et de les châtier.
Non seulement la France serait en rupture avec le droit international en ratifiant ce projet en l'état mais, en outre, elle serait en rupture avec elle-même. La France a effectivement ratifié les conventions qui rendent imprescriptibles les crimes de guerre, et la Ve République a inclus ces conventions dans les sources du droit que les tribunaux ont le devoir de respecter lorsqu'ils rendent leurs sentences.
Or ce projet de loi prévoit une prescription de l'action publique et de la peine, au bout de trente ans pour les crimes de guerre, au bout de vingt ans pour les délits de guerre.
Le statut de Rome pose pourtant le principe d'imprescriptibilité de l'ensemble des crimes internationaux, les crimes de guerre ne faisant pas exception.
Si la France ne reprenait pas la norme d'imprescriptibilité, elle perdrait, à l'expiration du délai de prescription, la possibilité de juger les criminels de guerre présents sur son territoire, ainsi que ses propres ressortissants. Or les crimes de guerre ne sont pas des crimes comme les autres. Il importe donc de reconnaître leur spécificité et de prévoir leur imprescriptibilité.
Le Gouvernement a-t-il oublié la décision du Conseil constitutionnel aux termes de laquelle « aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, n'interdit l'imprescriptibilité des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale » ?
Cette spécificité française montre comment les États parties les plus puissants, s'inscrivant dans un rapport de forces, s'arrangent avec les normes impératives du droit international qu'ils ont pourtant ratifiées. Certains d'entre eux s'exonèrent à bon compte des crimes de guerre commis par leurs forces armées, dont les populations civiles sont les premières victimes. C'est ainsi que les crimes contre Gaza peuvent bénéficier de l'impunité que notre collègue Goasguen semble défendre.