Nous aurions dû, à l'unisson, condamner les imperfections de cette Cour qui peine à trouver sa place et à exercer sa mission, coincée qu'elle est entre des objectifs et des revendications contradictoires. Bref, nous avions la matière pour avoir un débat passionnant à la hauteur des enjeux, un débat qui aurait du moins été tout à l'honneur de cette assemblée s'il n'avait pas fait date dans son histoire, un débat comme celui qui eut lieu, nuitamment certes, il y a plus de deux ans, le 10 juin 2008, au cours duquel chacun put développer ses doutes et ses espoirs, et où finalement se noua une unanimité – dont vous ne cessez d'ailleurs, monsieur le rapporteur, de vous féliciter.
Au lieu de cela, madame la ministre d'État, monsieur le rapporteur, vous avez choisi de réduire cette séance à une formalité. Bousculés par les critiques des ONG rassemblés dans la Coalition française pour la CPl, craintifs peut-être devant l'expression publique de quelques collègues de l'UMP, effrayés par l'avis unanime obtenu au sein de la commission des affaires étrangères, vous avez pourtant décidé que cette assemblée voterait conforme le texte du Sénat.
La comparaison entre le compte rendu des deux commissions des lois est à cet égard très éclairante.
Celle du Sénat s'est réunie longuement, à deux reprises : la première fois, le 14 mai 2008, pour examiner le rapport de Patrice Gélard et procédé à un premier échange, avec des débats qui durèrent plusieurs heures ; la seconde fois, le 10 juin, pour examiner les amendements dont pas moins de vingt-huit concernaient l'un des points essentiels du débat, que vous avez évoqué, madame la ministre d'État : l'imprescriptïbilité des crimes de guerre.
Notre commission des lois, pour sa part, se sera contentée d'un échange d'une heure et demie, le 19 mai dernier, au cours duquel la détermination affichée par le rapporteur de se plier aux voeux du Gouvernement de ne pas amender le texte a tué tout véritable dialogue.
C'est pourquoi je vais essayer ce soir de vous convaincre, mes chers collègues, de renvoyer ce texte en commission. Pour y parvenir, il faut d'abord isoler les enjeux.
Le premier est relatif à la vocation même du projet de loi. Son intitulé en fixe la portée : « Projet de loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale. ». Le mot à retenir est évidemment : « adaptation ». Le rapporteur écrit à ce sujet dans son rapport : « Aucune disposition du statut de Rome n'oblige les États parties à procéder à une harmonisation de la définition en droit interne des crimes relevant de la compétence de la Cour. Cependant l'adaptation de notre droit pénal interne est rendue nécessaire par l'application du principe de complémentarité, posé par l'article 1er de la convention de Rome ». Chacun comprend bien l'idée : il s'agit de faire croire que la mise en oeuvre du statut de Rome laisse au législateur une marge de manoeuvre confortable qui l'autorise à juxtaposer sa propre conception des crimes internationaux à celle définie par le statut. Cette lecture s'entend,…