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Intervention de Éric Raoult

Réunion du 7 juillet 2010 à 15h00
Interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace public — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Raoult :

Cette fois-là du moins ! (Rires.) Élisabeth Guigou, François Loncle et d'autres collègues y ont également assisté. C'était le 5 novembre 2009, madame la ministre d'État, à la grande mosquée des Omeyyades.

Deux jeunes femmes allongées par terre mendiaient. J'ai alors vu ce que le voile intégral pouvait représenter. L'une de ces jeunes femmes s'appelait Farah, de Marseille. J'ai constaté qu'en portant ce voile, elle faisait sentir à tous ses interlocuteurs à quel point cette situation la rendait malheureuse, isolée, dépendante, prisonnière. Elle s'appelait Farah ; un jour, elle m'a envoyé un SMS, qu'elle a signé « la femme à la burqa ».

Si je me suis engagé, c'est pour éviter qu'il y ait des « femmes à la burqa ». C'est pour mieux comprendre les raisons qui poussent tant de jeunes femmes à porter un voile intégral, et la signification qu'il revêt pour elles, que nous avons souhaité réaliser ce travail de référence.

Avec nos collègues, nous n'avons pas ménagé nos efforts, effectuant plus de 200 auditions et quatre déplacements, parfois dans des pays où toutes les femmes portent le voile intégral. Nous avons entendu tous les acteurs concernés : des universitaires, des juristes, des associations, des élus locaux. À ce propos, et même s'il n'est pas question de droits d'auteur en la matière, j'aimerais rappeler à notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec que c'est par André Gerin et moi-même que l'idée d'une résolution a été suggérée au chef de l'État et au secrétaire général de l'Élysée, et non par l'association Ville et banlieue.

Notre travail a été pionnier et fondateur. Pionnier d'abord, parce qu'aucune étude d'ensemble n'avait jamais été consacrée à cette pratique. Ainsi, le rapport de la mission d'information est aujourd'hui le seul travail d'envergure portant sur la pratique du port du voile intégral. Vous vous souvenez certainement que des dizaines, voire des centaines de journalistes étaient présents lors de la conférence de presse de la mission. Ils venaient des États-Unis, de Chine, du Japon mais aussi des pays du Golfe, ce qui révélait que notre travail constituait une première mondiale.

À ce sujet, je vous invite à relire la première partie du rapport, qui montre ce que signifie le fait de porter le voile intégral et qui dresse un bilan de cette pratique apparue récemment en France. Notre rapport établit ainsi qu'un tiers des personnes portant cette tenue sont des converties et que leur moyenne d'âge est inférieure à trente ans.

Mais ce travail a aussi et surtout été fondateur. Sans lui, en effet, je ne pense pas que le débat qui s'est engagé à propos du projet de loi aurait été possible. Il a incontestablement permis d'établir un constat partagé. Ainsi, nous avons voté le 11 mai dernier, à l'unanimité des députés présents, la résolution parlementaire qui condamne la pratique du port du voile intégral comme contraire aux valeurs républicaines ; c'était là l'une des mesures phares que suggérait notre rapport.

Je souhaite, du reste, demander à Mme la garde des sceaux si, comme nous l'avions proposé, cette résolution pourra être diffusée par voie de circulaire aux agents publics susceptibles d'être en contact avec des personnes intégralement voilées, dans tout le pays.

En outre, je ne manquerai pas d'observer que le délit de harcèlement au sein du couple, créé dans la proposition de loi sur les violences faites aux femmes, sera complété, dans le présent projet de loi, par un délit de dissimulation forcée du visage.

Je suis également heureux que le Gouvernement ait inscrit au coeur de son projet de loi l'information et la pédagogie, indispensables à une application satisfaisante de la loi. Je vous en félicite, madame la ministre.

Je salue enfin la volonté dont témoigne le projet de loi de ne mentionner aucune religion ni aucune pratique en particulier. Ce choix est le bon. J'en suis d'autant plus convaincu que nous avons été, tout au long des travaux de la mission d'information, en contact étroit avec les représentants du Conseil français du culte musulman, dont le rôle, j'en suis persuadé, est central pour faire régresser cette pratique. Je rejoins sur ces points les propos tenus tout à l'heure par notre collègue Le Bouillonnec.

Je serais donc satisfait si le travail engagé par la mission d'information débouchait sur un projet de loi très largement voté, et je pourrais alors reprendre à mon compte la formule que je vous citais en commençant : « Si un consensus est une vue bien trop idéale, un large accord républicain est à portée de main. »

Avec André Gerin et mes trente autres collègues de la mission d'information, nous avons montré le chemin, nous avons suivi la voie fixée par le Premier ministre et par le Président de la République. Si cela peut vous satisfaire, mes chers collègues, cette loi ne sera ni de droite ni de gauche.

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