Ce projet de loi n'est qu'un squelette : comme l'indique l'exposé des motifs, il se contente de fixer les grands principes et renvoie à des ordonnances pour aller plus vite, ce qui contribue à escamoter une partie du débat. J'observe d'ailleurs que nous n'avons toujours pas réalisé de travail de fond sur ce texte, alors qu'il est déposé sur le bureau de notre assemblée depuis neuf mois.
Je voudrais vous poser deux questions, l'une sur la recentralisation opérée par cette réforme, l'autre sur les moyens qui sont prévus.
En application de l'article 9, les chambres régionales des comptes auront désormais un ressort interrégional, dont la définition est renvoyée à un décret. On peut le regretter, car la nouvelle organisation sera ainsi établie en dehors du Parlement. Il vous est sans doute difficile, monsieur le Premier président, de critiquer ce projet qui vous donne plus de pouvoirs, mais ne pensez-vous pas que l'intervention du législateur constituerait une garantie utile aussi bien pour la Cour des comptes que pour nos concitoyens dans un domaine particulièrement sensible ?
J'en viens à la question des moyens. Que les juridictions financières assurent désormais trois missions, comme l'indique l'article 7, ou qu'elles exercent quatre métiers différents, si l'on en croit l'étude d'impact, il est certain que leurs compétences s'accroissent. Or, le nombre des magistrats devrait baisser de 20 %, toutes juridictions financières confondues. Selon l'étude d'impact, 60 personnes, dont 25 magistrats, seront affectées à des missions d'évaluation des politiques publiques. Quelles en seront les conséquences ?
On fait souvent référence au National audit office, qui joue un rôle crucial dans le processus d'amélioration de la performance des administrations au Royaume-Uni. Mais on oublie que cette institution, auteur de 600 rapports d'audit par an et de 50 efficiency audits remis à la commission des comptes publics, emploie 850 agents.
François Fillon déclarait en 2006, alors qu'il était conseiller de Nicolas Sarkozy, que le Parlement devait être « en mesure de garantir la maîtrise des dépenses publiques et la pertinence des politiques engagées ». D'où la nécessité, selon lui, de créer un organisme d'audit et de contrôle sur le modèle britannique ou canadien, qui ont tous deux fait leurs preuves, en créant de toutes pièces un organisme d'audit au sein du Parlement, ou bien en rattachant directement à ce dernier des organismes qui existent déjà.
Le choix ayant été fait, au plan constitutionnel, d'attribuer cette mission à la Cour des comptes, ne conviendrait-il pas de lui donner des moyens plus substantiels ? Pensez-vous que la réforme soit à la hauteur des enjeux ?