Je voudrais insister, pour ma part, sur un aspect que l'étude d'impact ne met pas assez en lumière : le rôle essentiel que les chambres régionales des comptes ont joué dans l'amélioration de la gestion des collectivités territoriales. Après une période d'adaptation, un bon équilibre est aujourd'hui atteint et l'on constate que les chambres régionales mettent de plus en plus souvent leurs contrôles à profit pour formuler des conseils à destination des collectivités.
Cette mission de conseil qui pourrait être officiellement attribuée aux chambres régionales mériterait certainement davantage de précisions, mais il faut reconnaître qu'elle correspond aux attentes des élus locaux.
Ils ne comprendraient pas, en revanche, qu'on supprime les chambres régionales ou qu'on limite leur périmètre d'action. Elles sont, en effet, devenues des partenaires importants de la gestion locale, laquelle représente au moins 220 milliards d'euros – ce montant n'incluant pas un certain nombre d'organismes annexes.
Il faut également rappeler que c'est grâce au contrôle exercé par les chambres régionales que certains dysfonctionnements et certaines irrégularités ont pu être relevés, avant d'être sanctionnés par la justice, tant en métropole que dans l'outre-mer. Je voudrais en particulier rendre hommage à la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française.
Il me semble toutefois, en tant que membre du CEC, qu'une modification du mode de fonctionnement de la Cour des comptes et des chambres régionales s'impose afin de mieux répondre aux demandes du Parlement dans le domaine de l'évaluation. Comme le Premier président l'a indiqué devant le CEC, une harmonisation est nécessaire.
Ma première question concerne les effectifs de la Cour et des chambres régionales. L'étude d'impact, qui n'est pas d'une grande clarté sur ce point, laisse entendre que les réductions d'effectifs pourraient ne pas être trop importantes et qu'on pourrait parvenir à un équilibre grâce à des gains de productivité et à des évolutions catégorielles. Chacun peut comprendre la nécessité de réduire les dépenses publiques, mais est-il vraiment opportun de réduire les effectifs des organismes de contrôle et d'évaluation tels que la Cour des comptes et les chambres régionales ? Ne faudrait-il pas, au contraire, les augmenter ? Certaines missions de l'État peuvent faire l'objet d'économies, ou bien elles peuvent être exercées différemment, mais d'autres doivent être renforcées. C'est notamment le cas du contrôle et de l'évaluation de la dépense publique. Cela n'implique pas nécessairement une augmentation des effectifs, mais il conviendrait au moins de ne pas les réduire.
Une autre inquiétude concerne le renvoi à des ordonnances pour un certain nombre de dispositions. Ce n'est pas à vous, monsieur le Premier président, que j'apprendrai à quel point le Parlement apprécie peu cette formule. Il a ainsi refusé l'an dernier, en commission mixte paritaire, que des dispositions statutaires relatives au Conseil d'État soient adoptées par voie d'ordonnance. Il serait paradoxal d'accepter pour les magistrats de la Cour des comptes ce que nous avons refusé pour ceux du Conseil d'État. Vous avez laissé entendre, dans votre exposé liminaire, que des évolutions étaient envisageables sur ce point. Pourriez-vous nous apporter des précisions supplémentaires ?
Vous avez indiqué que votre prédécesseur, Philippe Séguin, trouvait la mise en cause de la responsabilité des décideurs publics insuffisante. Comme l'a rappelé le Président de la République, dans un discours prononcé le 5 novembre 2007, à l'occasion du bicentenaire de la Cour des comptes, « on a trop longtemps considéré que le propre de l'argent public était d'être dépensé sans compter, qu'il était dans la nature du service public que son efficacité ne soit pas mesurable et que si l'on devait demander des comptes au comptable, il n'était pas légitime d'en demander à l'ordonnateur », ajoutant que cette époque était désormais révolue », l'État ayant besoin « d'une révolution intellectuelle et morale ». Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les évolutions envisagées pour renforcer la responsabilité des décideurs publics ?
J'ignore si c'est à ce type d'exemples que vous songez, mais nous avons appris, à l'occasion d'un rapport particulier de la Cour des comptes, que l'organisation du sommet de l'Union pour la Méditerranée, en juillet 2008, avait fait l'objet d'une dépense globale de 16 millions d'euros engagée dans les conditions les plus irrégulières – on n'a pas utilisé de bons de commande, par exemple. Si le comptable du ministère des affaires étrangères a pu exécuter la dépense, c'est parce qu'il a été réquisitionné par son ministre sur les instructions du ministre du budget. La responsabilité du comptable ne pouvant pas être mise en cause, car il a reçu un ordre de réquisition, non plus que celle de l'ordonnateur, personne n'est donc responsable dans cette affaire.
Ma dernière question porte sur le regroupement des chambres, que vous avez qualifié de « mutualisation ». On peut effectivement considérer que les effectifs de certaines chambres régionales sont faibles, et qu'il faudra procéder à une mutualisation. L'étude d'impact n'étant guère explicite sur ce qui nous attend, pourriez-vous nous apporter quelques éclaircissements ? J'observe qu'aux termes de la loi, il existe une chambre des comptes dans chaque région. À quel niveau normatif faudra-t-il donc fixer le nombre des futures entités ? Est-ce du ressort de la loi ?