Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne répéterai ce que viennent de dire excellemment Michel Raison et Louis Guédon : tel n'est pas mon rôle et je partage la quasi-totalité de leurs opinions. Nous avons procédé aux mêmes auditions, en compagnie de collègues siégeant sur tous les bancs, et nous avons entendu les mêmes propos, les mêmes interrogations, les mêmes craintes face à un avenir incertain.
Les réponses qu'apporte le texte ne sont ni dogmatiques ni partisanes. J'ai pu le constater lors des débats en commission du développement durable, comme dans l'examen par la commission des affaires économiques, nous sommes tous attachés à améliorer les choses, à aider les agriculteurs à sortir de l'ornière. Les réponses qu'apporte le texte traduisent le bon sens, la logique et une ambition que nous partageons tous : donner à l'agriculture française les moyens de survivre à la terrible crise qu'elle traverse. Je rappelle que le revenu moyen des agriculteurs s'est réduit d'un quart en 2008 et s'est à nouveau effondré d'un tiers en 2009. Il faut que les agriculteurs puissent vivre du fruit de leur travail. Nous devons aussi faire en sorte que l'activité agricole reprenne sereinement une fois les cours mondiaux restaurés à un niveau convenable. C'est dans cette perspective que la commission du développement durable m'a chargé de rapporter son avis.
À l'initiative du président Christian Jacob, nous n'avons pas abordé l'ensemble du projet de loi, mais plus particulièrement son titre III : « Inscrire l'agriculture et la forêt dans un développement durable des territoires ». Certains sujets m'ont particulièrement interpellé : le développement durable de l'agriculture – autrement dit la préservation d'un espace foncier suffisant pour cette activité – et celui de la forêt. Les auditions m'ont en effet démontré que les autres points faisaient consensus, ou peu s'en faut : je pense notamment à la définition d'un indice national du fermage, dont le principe est salué, même si les modalités de mise en oeuvre provoquent le débat entre fermiers et propriétaires ; au plan régional de l'agriculture durable, qui établira l'ordre des priorités dans l'action de l'État ; à la nouvelle organisation territoriale des chambres d'agriculture, introduite par le Sénat, qui met des outils à la disposition de la diversité des territoires.
Je me suis donc plus particulièrement concentré sur deux points. Le premier est la forêt. Je l'avoue : je connaissais imparfaitement le monde sylvicole avant d'entamer mes investigations. J'ai découvert un potentiel extraordinaire, une forêt française qui pourrait être un atout formidable pour un développement économique respectueux de l'environnement. Elle est l'une des plus vastes d'Europe, la plus vaste même, si l'on écarte les massifs scandinaves, et elle est en expansion continue depuis le XIXe siècle. Hélas, nous sommes incapables de mettre cette manne en valeur. La croissance forestière est désordonnée, donc inutilisable. Il y a plusieurs raisons à cela. L'une d'elles saute aux yeux : le morcellement excessif, la fragmentation en toutes petites parcelles dont l'exploitation n'est ni envisagée ni envisageable.
Songez, chers collègues, que les trois quarts de la forêt française sont propriété privée, qu'il y a trois millions et demi de propriétaires de forêt, qui possèdent, en moyenne, 2,6 hectares. Songez également que 2,5 millions d'entre eux possèdent moins d'un hectare. Le bornage par un géomètre coûterait plus cher que la parcelle. Même les frais de notaire coûteraient pratiquement plus cher que le produit de la vente du terrain. Les familles ont donc laissé les successions diviser les parcelles, et le souvenir même de leur possession s'est perdu.
Le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi des mesures qui favoriseront la mise en valeur de la forêt, mais j'ai acquis la conviction que ce n'est pas une affaire de plan ou de stratégie : nous devons provoquer un remembrement, ce qui n'est pas facile. Nous en avons parlé, en commission des affaires économiques, avec le Gouvernement, avec le rapporteur, avec la majorité, avec l'opposition, et nous avons imaginé des mécanismes dont il est permis de penser qu'ils auront un impact.
J'en viens maintenant à mon deuxième axe de travail : la préservation du foncier agricole.
Avec ce projet de loi, le Gouvernement met en place un dispositif à trois étages : tout d'abord, un observatoire pour suivre le rythme de la consommation des terres agricoles ; ensuite, des commissions départementales qui conseilleront les élus locaux pour éviter une artificialisation excessive ; enfin, une taxe sur les changements d'usage pour inciter les propriétaires à conserver leur terrain à l'agriculture. J'avoue avoir eu du mal à accepter le principe de cette taxe, mais je dois ici rendre hommage aux qualités et à la disponibilité du ministre de l'agriculture, qui a consacré à cette question le temps nécessaire lors de la discussion en commission du développement durable.
Monsieur le ministre, si cette loi est un succès – et elle en est un –, vous en êtes le premier et le meilleur architecte.