Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État à la justice, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur les conclusions la commission mixte paritaire, qui s'est réunie au Sénat le 9 juin 2010, pour établir un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution.
Au cours des deux lectures au Sénat et à l'Assemblée nationale, un grand nombre de dispositions avaient déjà été adoptées en termes conformes. En ce qui concerne la composition du CSM, il en était ainsi pour les règles relatives aux magistrats, membres de la formation plénière du CSM, de même que celles relatives aux conditions de remplacement en cas de vacance d'un siège et celles relatives à la procédure de nomination des six personnalités qualifiées et de l'avocat membre du CSM. Concernant la procédure de nomination des personnalités qualifiées après avis des commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, il convient toutefois de signaler que l'article 3 du projet de loi organique désigne comme compétentes les commissions compétentes en matière d'organisation judiciaire, tandis que l'article 5 du projet de loi relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution prévoit de confier cette compétence aux commissions chargées des lois constitutionnelles. Sans aucun doute, le Conseil constitutionnel, déjà saisi du projet de loi relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, tranchera la question de la nature organique ou ordinaire d'une telle disposition et évitera ainsi la redondance de législation sur ce point.
S'agissant des règles d'organisation et de fonctionnement du CSM, avaient été adoptées en termes conformes les dispositions relatives au secrétaire général du CSM, à la réunion des formations du CSM, à la suppléance du président de chaque formation et aux règles de quorum applicables aux délibérations, ainsi que la disposition introduite par le Sénat à l'article 11 bis et imposant un respect systématique de la parité entre magistrats et non- magistrats lorsqu'une formation délibère en matière disciplinaire. En matière disciplinaire, la disposition définissant le manquement aux devoirs de son état par un magistrat ainsi que celle modifiant l'échelle des sanctions disciplinaires pouvant être prononcées, celle modifiant la procédure applicable aux demandes d'interdiction temporaire d'exercer et celle relative au recours à l'expertise avaient été adoptées en termes conformes.
Enfin, le mécanisme de la procédure nouvelle de saisine du CSM par un justiciable, organisé par le projet de loi organique, avait été approuvé par les deux assemblées. La nouveauté de ce mécanisme mérite que l'on en rappelle ici très brièvement les grandes lignes. Des commissions d'admission des requêtes, composées à parité de magistrats et de non-magistrats, se voient confier le soin de filtrer les plaintes des justiciables et doivent s'assurer qu'elles remplissent un certain nombre de conditions : le magistrat visé par la plainte ne doit plus être saisi de la procédure, la plainte doit avoir été présentée avant l'expiration du délai d'un an suivant une décision irrévocable et les faits invoqués doivent être susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire. Les commissions d'admission des requêtes pourront solliciter des observations et informations des chefs de cours et entendre les magistrats mis en cause. Si une commission d'admission des requêtes décide de transmettre la plainte à une formation disciplinaire du CSM, s'engage alors la procédure disciplinaire dans laquelle le justiciable n'est toutefois pas partie prenante.
Au stade de la commission mixte paritaire, les points en discussion étaient donc peu nombreux. Il convenait, tout d'abord, de savoir quelles incompatibilités imposer à l'avocat qui doit désormais siéger ès qualités au CSM. Alors que, vous vous en souvenez, le Sénat souhaitait lui interdire de plaider devant des juridictions judiciaires pendant l'exercice de ses fonctions de membre du CSM, l'Assemblée nationale considérait cette interdiction comme contraire à l'article 65 de la Constitution et non souhaitable, car susceptible de conduire à la désignation d'un avocat honoraire, alors que l'intérêt de nommer un avocat ès qualités comme membre du CSM est, au contraire, dans le recours à un professionnel averti et au fait de la chose judiciaire. Le texte finalement élaboré par la CMP pour l'article 4 permet de ne pas créer une incompatibilité avec l'exercice de sa profession pour l'avocat membre du CSM. En contrepartie, il a été introduit, à l'article 6 bis, une disposition précisant les exigences qui doivent conduire au déport du membre avocat du CSM.
Un autre point de désaccord portait sur l'application des règles de déport, le Sénat ayant souhaité permettre à une formation du CSM de contraindre l'un de ses membres à se déporter, par une décision prise à la majorité absolue de ses membres. Nous considérions, pour notre part, que le déport est une démarche individuelle et spontanée. La rédaction finalement retenue par la CMP reste au milieu du gué, puisqu'elle indique seulement que « la formation à laquelle l'affaire est soumise s'assure du respect de ces exigences ». Je pense que le CSM ne pourra pas, sur le fondement de cette seule formule, imposer des déports forcés. Cela répond au souhait de l'Assemblée nationale. Par ailleurs, toujours en ce qui concerne l'article 6 bis, la CMP a retenu la rédaction de l'Assemblée nationale pour la gradation des sanctions pouvant être prononcées à rencontre d'un membre du CSM qui aurait manqué à ses obligations déontologiques : avertissement ou démission d'office.
Enfin, à l'article 7 bis, la CMP a retenu la rédaction proposée par le Sénat, qui prévoit que l'autonomie budgétaire du Conseil supérieur est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances. Nous avions craint, à l'Assemblée nationale, qu'une telle rédaction ne se traduise dans les faits par des conséquences budgétaires négatives pour le CSM. Souhaitons que l'avenir ne nous donne pas raison !
L'adoption de ce projet de loi organique permettra l'entrée en vigueur de l'article 65 de la Constitution dans sa rédaction telle qu'elle résulte de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Ainsi, à l'issue d'un délai de six mois suivant la promulgation de la loi organique – donc, très probablement, en janvier 2011 – le CSM verra sa composition renouvelée.
Ce CSM à la composition renouvelée exercera les compétences nouvelles qui lui sont confiées : avis sur la nomination de l'ensemble des magistrats du parquet pour la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet ; examen des plaintes des justiciables susceptibles de conduire à une saisine de la formation compétente pour les magistrats du siège ou de celle compétente pour les magistrats du parquet siégeant en matière disciplinaire ; rôle de la formation plénière pour répondre aux demandes du Président de la République ou du garde des sceaux et pour se prononcer sur les questions de déontologie des magistrats.
Telle est l'économie, rapidement décrite, de ce texte issu de la CMP que je vous invite à adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)