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Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 22 juin 2010 à 15h00
Débat sur le principe de précaution

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

J'avais participé au débat, M. Piron s'en souvient. Le principe de précaution tel qu'il a été inclus dans la Charte de l'environnement est un principe d'application directe. Cela a été un choix conscient, délibéré et volontaire du législateur, qui a décidé de faire confiance à la jurisprudence pour construire l'application de ce principe. Cependant, la jurisprudence reste assez faible, pour la simple raison que le principe a un champ relativement limité, à la fois dans son application et dans la manière dont il est mis en oeuvre.

On parle aujourd'hui de préciser par la loi le principe de précaution, qui a été conçu comme un principe d'application directe, mais on ne parle pas des autres principes : le principe de prévention, le principe d'information, le principe de réparation. Ils n'ont pas fait l'objet d'un travail législatif, alors que la Charte de l'environnement renvoie explicitement à la loi pour définir les conditions de leur application.

Je suggère d'élargir un peu le champ de la mission et de nous intéresser au principe de prévention, dont l'application est renvoyée explicitement à la loi par l'article 3 de la Charte, au principe de réparation – « pollueur-payeur » – mentionné dans les mêmes conditions à l'article 4, et au principe d'information. Le principe de précaution reste limité, mais les confusions sont permanentes. Peut-être préciser les autres principes permettra-t-il de donner l'exacte signification du principe de précaution.

1 commentaire :

Le 07/07/2010 à 20:44, Cato censor (étudiant en droit) a dit :

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La jurisprudence est loin d'être aussi faible si on tient compte du fait que sa portée constitutionnelle ne remonte qu'à 2005.

Petit rappel :

Le principe de précautions consacré par l'article 5 de la Charte de l'environnement, a été introduit dans notre droit positif par la loi Barnier de 1995. Le dit article dispose, en effet, que « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attribution, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

Ce principe a été consacré à plusieurs reprises par les hautes juridictions. Ainsi, confirmant un jugement du TGI de Grasse du 17 juin 2004, la Cour d’appel d’Aix en Provence, dans un arrêt du 8 Juin 2004 (Commune de la Roquette sur Siagne / SFR), l'a consacré, associé au trouble de voisinage concernant les antennes relais de téléphonie mobiles. Ce contentieux a fait l'objet par la suite d'une jurisprudence abondante toujours sur le fondement du principe de précaution (déjà inscrit dans l'article L 110 du Code de l'environnement).

En 2009, la Cour d’appel de Versailles (04 février 2009), confirmant un jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre, considère que « l’exposition à la simple éventualité d’un danger constitue un trouble de voisinage » et prend également en considération le principe de précaution pour condamner l’opérateur à des « dommages et intérêts » le principe de précaution étant perçu comme « une cause exonératoire de responsabilité pour l’opérateur de téléphonie ». L’opérateur aurait donc pu s’exonérer de sa responsabilité s'il avait démontré avoir respecté des mesures de précaution. Le juge administratif s'est montré « moins audacieux », pour l'avocat Raphaële HIAULT SPITZER, en refusant de prendre en considération le principe de précaution dans le cadre du contrôle de légalité des actes administratifs (CE, 20 avril 2005, n°248233). Le principe de précaution y est en effet opposé à celui de « l’indépendance des législations » (confirmé par une décision du 02 juillet 2008).

Le Conseil d'État a reconnu une « applicabilité directe » au principe de précaution par deux arrêts de 2006 (CE, 6 avril 206, Ligue pour la protection des oiseaux et CE, 19 juin 2006, Association eaux et rivières de Bretagne). « Considérant que lorsque des dispositions législatives ont été prises pour assurer la mise en œuvre des principes énoncés par la Charte, la légalité des décisions administratives s’apprécie par rapport à ces dispositions, sous réserve, s’agissant de dispositions législatives antérieures à l’entrée en vigueur de la Charte de l’environnement, qu’elles ne soient pas incompatibles avec les exigences qui découlent de cette Charte ».

Une exception à l'exception existe concernant l'admissibilité directe du principe de précaution : « la charte de l'environnement ne saurait être invoquée, en l'espèce, pour fonder l'existence d'un état de nécessité » (pour la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu dans l'affaire des « faucheurs volontaires de maïs OGM » le 7 février 2007).

Le Conseil constitutionnel, quand à lui, dans une décision du 19 juin 2008 relative à la loi sur les organismes génétiquement modifiés, a reconnu « la valeur constitutionnelle de l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement » (décision n°2008-564 DC du 19 juin

2008) accroissant ainsi la portée normative de la Charte, mettant fin à un début de polémique. Le Conseil constitutionnel n'a fait qu'appliquer les paroles de Dominique Perben : « la Charte de l’environnement aura valeur constitutionnelle, [...] en l’intégrant dans le bloc de constitutionnalité formé par le préambule et le corps même de notre loi fondamentale, la Charte encadrera l’activité du législateur. Les lois pourront être sanctionnées par le Conseil constitutionnel ou faire l’objet de réserves d’interprétation ».

Le principe de précaution et plus largement la Charte de l'environnement vont prendre de l'envergure dans l’exception d’inconstitutionnalité (introduit par la dernière révision de la Constitution de 2008, ouvrant le droit pour les justiciable, devant le juge, d'invoquer l'inconstitutionnalité de la loi, via la Question Prioritaire de Constitutionnalité) organiser un tel débat apparaît donc fort opportun pour évaluer son impact.

Quand aux autres principes le principe d'information, ou de réparation ils ont fait l'objet de transcriptions législatives pour éviter l'écueil de la théorie de la loi-écran.

Le législateur a accru l'effort entrepris afin d'ancrer la préservation de l'environnement dans notre droit positif. Ainsi en est-il avec le Grenelle de l'environnement en octobre 2007 décidé par le nouveau Gouvernement après les Présidentielles de 2007, influencé par le Pacte écologique véritable plaidoyer en la matière de l'écologiste Nicolas Hulot, témoignant ainsi de la prise en compte de plus en plus forte, par les citoyens français et leurs gouvernants, des réalités environnementales et de la nécessité de les préserver.

Dominique Perben lors de l'adoption de la Charte avait déclaré que « les juges, les juristes, doivent prendre leurs responsabilités. Et les politiques les leurs ».

Cela s'est traduit notamment, par la loi grenelle I (« adoptée à la quasi-unanimité à l’Assemblée en octobre 2008 et définitivement adoptée par le parlement lors de la deuxième lecture au Sénat le 23 juillet 2009 », Le Monde) et Grenelle II (malgré certains reculs). Toutes ses mesures s'ajoutent au « principe pollueur-payeur » figurant dans l'article 4 de la Charte : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi ». Ce dernier transcrit dans la loi ordinaire depuis la loi Barnier du 2 février 1995 1995 à l'article L 110-1,II,3° du Code de l'environnement disposant que « les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur. » .

Cela a été renforcé par l'adoption « du projet de loi sur la « responsabilité environnementale » (« inscrivant dans le droit français le principe pollueur/payeur visant à prévenir et réparer les dommages à la nature causés par un site ou une activité industriels », transposant notamment la directive du 21 avril 2004) le 22 juillet 2008.

Le législateur a ainsi, en cherchant à rattraper son retard dans la transcription de principes de la Charte dans la loi, tenu compte en partie des critiques doctrinales concernant la faible portée normative de la Charte traduit dans la jurisprudence par le principe de la loi-écran.

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