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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 10 juin 2010 à 15h00
Régulation bancaire et financière — Après l'article 7, amendement 128

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Monsieur le président, sous couvert de défendre mon amendement, j'aimerais vous raconter une anecdote, qui concerne une fois de plus nos pérégrinations dans les paradis fiscaux.

Vous savez peut-être que, pour ouvrir un compte dans une banque domiciliée dans un paradis fiscal, il faut amener de l'argent – mais pas cinquante euros ; à l'époque dont je vous parle, les sommes se comptaient en dollars. J'ai donc multiplié les tentatives, mais il fallait chaque fois un, deux ou trois millions de dollars.

Et voilà qu'aux Bahamas, je suis enfin tombé sur un banquier compréhensif. Quand je lui ai demandé à partir de quel montant je pouvais ouvrir un compte chez lui, il m'a répondu qu'il n'y avait pas de plancher. « C'est formidable », lui ai-je alors dit. « Donc, je peux déposer cent dollars et vous vous en occuperez ? — Vous pouvez le faire, mais je ne vous le conseille pas, car les frais de gestion sont très élevés. »

En d'autres termes, les grandes sociétés françaises ou les tenants de la mafia internationale implantés dans ces paradis fiscaux acceptent d'acquitter des frais considérables – 10 % ou plus de ce qu'ils déposent chaque année – parce qu'il s'agit d'argent dissimulé ou d'origine incertaine.

Il est vrai que, si vous tombez malade aux Bahamas, ce n'est pas très pratique, et que vous téléphonez alors non pas au pharmacien, qui n'existe pas, mais à votre banquier, qui pense à tout et qui vous sert aussi de nurse, pour qu'il vous fasse venir un tube d'aspirine de Floride un jour où il n'y a pas d'ouragan. (Sourires.)

Voilà comment cela fonctionne ; et voilà ce que le Gouvernement ne veut pas corriger. C'est pourquoi je trouverais particulièrement pertinent que nous renouvelions la mission que j'avais effectuée à l'époque, pour observer concrètement sur place la manière dont les banquiers se comportent aujourd'hui.

C'est pour leur bien que nous le ferions, monsieur le président. On m'a raconté la façon dont un cocktail s'est terminé à Panama pour le banquier d'un grand établissement suisse. Après le cocktail, organisé au sommet d'un gratte-ciel, ce banquier avait d'autres engagements ; il est donc descendu dans le parking souterrain pour y reprendre sa voiture. Que lui est-il arrivé ? Nul ne le sait, car on ne l'a plus jamais revu ; et le canal de Panama n'est manifestement pas drainé assez souvent pour que l'on sache s'il ne gît pas au fond de l'eau, les deux pieds dans le béton.

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