Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, mes chers collègues, sous l'égide de Jean-Louis Borloo, le Gouvernement s'est engagé dans un programme de rénovation urbaine de logements sociaux, programme d'une ampleur inégalée, exemplaire à plus d'un titre et qu'aucun autre gouvernement avant lui n'avait eu l'audace de lancer.
Ce volontarisme a suscité enthousiasme et détermination chez tous les acteurs locaux. En effet, le patrimoine immobilier, souvent issu des programmes des années cinquante – notamment les logements Million –, a vieilli et est devenu indigne d'un pays comme le nôtre : nous ne pouvions accepter plus longtemps que des locataires vivent dans des conditions d'hygiène et d'insalubrité insupportables, nous ne pouvions tolérer de les confiner dans des ensembles immobiliers dangereux, exigus et délabrés.
Le plan de rénovation urbaine a permis de monter des opérations de démolition d'ensembles urbains anciens et de construction de bâtiments neufs aux normes et aux dimensions d'aujourd'hui, en y réintroduisant une vraie mixité sociale. Pour des milliers d'habitants, il a représenté l'immense espoir de vivre mieux.
C'est notamment le cas, dans ma circonscription, à Bobigny, pour la Cité de l'Étoile. Je suis convaincu que le Gouvernement ne souhaite pas anéantir l'espoir inouï qu'ont conçu tant de locataires, au nom de l'intérêt patrimonial de ces ensembles urbains. Si cette cité, oeuvre de trois architectes de renom – Candilis, Josic et Woods – et réalisée dans le cadre des logements Million, était novatrice en 1956, si elle est symbolique de la démarche architecturale de son temps, faut-il pour autant remettre en question tout le chantier que la SA d'HLM Emmaüs s'apprêtait à y engager, et condamner les habitants à subir le ghetto ? Vous l'aurez compris, je m'interroge sur la compatibilité de la démarche de l'ANRU avec la légitime conservation de traces de notre histoire urbaine.
Pouvez-vous me dire si la municipalité communiste de Bobigny était informée de cette démarche de conservation du patrimoine quand elle a élaboré son projet de rénovation urbaine ? Si elle ne l'était pas, elle se retrouve dans une situation impossible. Le ministre envisage-t-il de réunir autour d'une table les représentants de l'ANRU et de la direction de l'architecture ? Envisage-t-il de les conduire à conjuguer leurs intérêts en apparence contradictoires ?
Il y va des conditions de vie de plusieurs milliers de locataires à Bobigny comme dans d'autres grands ensembles urbains. Vous le savez, l'ANRU impose des calendriers d'exécution très contraints, mais il me semble que, à la cité de l'Étoile notamment, on doit pouvoir trouver les moyens d'une réponse rapide et adaptée, conciliant la préservation du patrimoine architectural – par exemple en conservant, après réhabilitation lourde, un élément immobilier phare – et la rénovation urbaine du reste des bâtiments, soit 280 logements. Il faudrait également permettre l'ouverture de nouvelles voies qui faciliteront la vie du quartier et le désenclaveront.
Comme aux Courtilières à Pantin, on pourrait dès octobre, après avis de la commission d'experts, autoriser la réalisation des travaux d'intérieur dans le bâtiment qui doit être transformé en résidence étudiante, et permettre, en même temps, la démolition des immeubles où les locataires vivent dans des conditions insupportables.
Naturellement, il convient que l'État apporte sa garantie pour une restauration de qualité des immeubles qui seront conservés. C'est urgent, car cette cité de Bobigny, chef-lieu de la Seine-Saint-Denis, est gravement confrontée au mal-vivre des banlieues, devenues des ghettos, où la violence, la délinquance et l'échec scolaire et social ont chassé l'espérance suscitée jadis par les trois architectes.
Dans la cité de l'Étoile, 85 % des ménages ont des revenus inférieurs à 60 % des plafonds PLUS. La cité de l'Étoile a besoin de retrouver le chemin de l'espérance, et Bobigny a besoin, pour y parvenir, de l'État et de son outil, l'ANRU. Tout cela doit pouvoir se faire sans que le calendrier initial ne soit trop perturbé et en respectant les volontés de la DRAC.
M. le ministre peut-il me rassurer sur la poursuite de l'opération de renouvellement urbain de la cité de l'Étoile ? De façon plus générale, peut-il m'indiquer si un protocole sera envisagé pour éviter que, à l'avenir, un vent de panique n'agite les cités HLM dont les locataires, à mille lieues d'un quelconque intérêt architectural, crient légitimement à la trahison quand on leur annonce que leur cité sera figée, qu'ils devront y demeurer dans des conditions d'hygiène, d'exiguïté, d'insalubrité d'un autre âge, et qu'ils seront, de surcroît, privés purement et simplement des bienfaits tant espérés de l'ANRU ?