Ah bon ? Je cite Le Monde : « Leur colère monte contre le statut de l'auto-entrepreneur, qui se propage à la vitesse d'un feu de brousse alors que le chiffre d'affaires des petites entreprises du bâtiment est déjà ravagé par la crise, en chute de 6 % au premier trimestre 2010, après une rude année 2009. Ainsi, près de 15 000 emplois ont été perdus dans les sociétés de moins de vingt salariés. »
Je m'arrête là : chacun a bien compris, et nous l'avions dit, que cette disposition est irresponsable. Elle vise d'abord à externaliser le salariat – on a ainsi vu des entreprises, parmi les plus importantes, demander à leurs employés d'abandonner le statut de salarié pour devenir leur propre patron en se déclarant auto-entrepreneur. Bien sûr, cela coûte aussi beaucoup moins cher à ces entreprises ; mais elles oublient de le préciser. Ce dispositif pénalise les caisses de retraite, puisqu'il n'y a presque plus de cotisations.
Il organise enfin une concurrence déloyale ; les artisans du bâtiment le disent très bien : les auto-entrepreneurs réalisent, à prix cassés, les mêmes travaux qu'eux, sans être soumis ni au même respect d'horaires et de durée du travail, ni aux mêmes contrôles de l'URSSAF, ni aux mêmes cotisations. De plus, les auto-entrepreneurs peuvent cumuler leurs revenus avec une retraite ou un salaire, quel que soit leur montant. Quand on n'a pas besoin d'être auto-entrepreneur pour vivre, on peut se permettre de casser le prix des prestations ! Cela aggrave considérablement la concurrence dans un secteur qui n'en avait vraiment pas besoin dans cette période : casser les prix, c'est possible une fois ou deux, mais si le prix tombe en deçà du prix coûtant, alors ce sont des dizaines de milliers d'entreprises qui sont mises à mal, et c'est l'emploi dans tout le pays qui s'en ressent.
Nous avons donc déposé une série d'amendements destinés à permettre à M. Novelli de réparer une partie de son erreur. Il sait d'ailleurs nous écouter de temps en temps, puisque la première mouture du statut d'auto-entrepreneur n'exigeait aucune formation, aucune qualification, aucune inscription sur un registre. Petit à petit, on sent bien qu'il est gêné aux entournures et qu'un encadrement s'organise. On est quand même loin du compte pour empêcher cette totale dérégulation : il y a encore quelques pas à accomplir pour moraliser le dispositif, monsieur le secrétaire d'État.
Nous ne sommes pas opposés à des mesures qui faciliteraient les créations d'entreprises : lancer une entreprise, ce n'est pas facile ; alors, accorder des facilités de gestion et une certaine souplesse pour une année probatoire, pourquoi pas ?
Mais cela ne doit pas durer. Or, pour vos auto-entrepreneurs, cela dure éternellement : ils peuvent sans limitation de durée se livrer à une concurrence aussi déloyale qu'effrénée. Ce n'est pas acceptable.
Geneviève Fioraso et moi-même, au nom de notre groupe, proposons donc une série d'amendements qui permettraient au Gouvernement, à l'occasion de ce texte sur les chambres de métiers et les chambres de commerce, de moraliser le statut d'auto-entrepreneur.
Je n'évoque pas ici le statut de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée : il n'existe pas encore, puisque nous avons – je vous l'annonce – déposé devant le Conseil constitutionnel un recours contre ce texte, qui comporte de la même façon certaines curiosités législatives qui ne sont pas étrangères à la logique de dérégulation qui avait déjà présidé à la création de l'auto-entrepreneur.
Monsieur le président, j'ai été un peu long pour présenter cette série d'amendements, mais nous pourrons ainsi être un peu plus rapides sur les détails – mais il est vrai que vous ne comptez pas notre temps ; c'est un chronomètre qui s'en charge. (Sourires.)
L'amendement n° 189 , premier d'une série qui n'est pas si longue, vise à réduire la durée de ce statut exceptionnel à une année, renouvelable une fois si l'on a fait la preuve au cours de la première année que l'on était un vrai entrepreneur.
En effet, pour l'immense majorité de ceux qui s'inscrivent d'un clic sur internet au statut d'auto-entrepreneur, le chiffre d'affaires sera nul. Ce statut engendre donc finalement surtout des illusions : des illusions pour les entrepreneurs – mais aussi pour leurs clients ! C'est un point sur lequel on peut s'interroger, et des témoignages, dont nous vous ferons part une autre fois, existent : grâce au statut d'auto-entrepreneur obtenu en un clic, on accentue sa capacité à travailler au noir.
Contrairement à l'objectif que vous vous étiez fixé au moment du vote qui l'a institué, ce dispositif a considérablement aggravé la situation. Cet amendement n° 189 montre que nous vous avons entendu, et vise à ce que vous nous entendiez à votre tour : pourquoi ne pas offrir, sur une année, quelques facilités à une entreprise qui se lance ? Mais n'allons pas au-delà d'une expérience de douze mois.