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Intervention de Marc-Philippe Daubresse

Réunion du 25 septembre 2008 à 15h00
Revenu de solidarité active — Discussion après déclaration d'urgence d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales :

Monsieur le président, monsieur le haut commissaire, mes chers collègues, vingt ans après le vote de la loi sur le revenu minimum d'insertion, le bilan est contrasté. C'est pour cela que Martin Hirsch a mené ces réflexions et cette action en profondeur. Cette grande loi – que beaucoup, ici, s'honorent d'avoir voté – devait aller plus loin.

Le bilan est contrasté. Tout le monde admet que ce texte a représenté un progrès social dans la reconnaissance majeure de la dignité des personnes les plus fragiles de notre société. Mais personne ne considère que le RMI ait résolu le problème de la pauvreté en France.

La nécessité de transformer et d'élargir le dispositif actuel est largement partagée, au-delà des clivages politiques traditionnels. Cette nécessité procède d'un triste constat, que rappelle souvent Pierre Méhaignerie : la France est, juste après la Suède, le pays d'Europe qui consent le plus gros effort financier pour sa protection sociale en y affectant plus de 30 % de sa richesse nationale. Pourtant, les résultats sont inquiétants : le nombre d'allocataires du RMI a augmenté, de même que celui des personnes vivant sous le seuil de pauvreté, et le nombre de ménages pauvres qui travaillent n'a cessé de croître dans notre pays. Pour ces raisons, il nous fallait une politique nouvelle. Le projet de loi que nous examinons répond à cette nécessité en refondant complètement le modèle social français dans une logique novatrice de lutte contre la pauvreté, axée d'abord et avant tout sur le soutien au travail.

La première nouveauté, c'est que le RSA généralisé, à la différence de ceux qui ont été préalablement expérimentés dans plusieurs départements de France, sera ouvert – il en a été peu question dans les commentaires précédant le débat – à plus de deux millions de travailleurs à revenus modestes, en tenant compte de leurs ressources, de leur situation familiale, et non plus de leur statut. De nombreux droits étaient jusqu'à présent rattachés au statut de bénéficiaire du RMI, et donc perdus en cas de reprise d'emploi, contribuant ainsi à enfoncer les personnes concernées dans ce qu'on a appelé avec des mots très durs des « trappes à pauvreté ».

En liant désormais l'attribution de ces droits, non plus à un statut, mais à un niveau de ressources, à une situation familiale, le nouveau RSA s'accompagne, non pas d'une perte brutale des droits, mais d'une réduction progressive.

La deuxième nouveauté, c'est la garantie d'une augmentation des revenus en cas de reprise d'activité. Plus on ira vers le travail, plus les revenus augmenteront et plus l'incitation à retrouver une dignité dans le travail sera forte.

La troisième nouveauté, c'est la simplification. Le RSA va remplacer le RMI, mais cela ira bien au-delà. Il remplacera également l'allocation de parent isolé, ainsi que les systèmes d'intéressement et la prime de retour à l'emploi. Il remet de l'ordre, en les simplifiant, dans les différents systèmes qui ont été empilés jusqu'ici – pas toujours avec une grande cohérence, reconnaissons-le.

La quatrième nouveauté, c'est la méthode qui a été choisie par Martin Hirsch et tous ceux qui ont participé – ils sont nombreux ici – au Grenelle de l'insertion et qui ont contribué à écrire le Livre vert sur le RSA. Ce document a tiré le bilan des expérimentations positives réalisées dans plusieurs départements. Même si – nous ne nous en cachons pas – nous aurions voulu que ces expérimentations aillent à leur terme, il y a moment où il est temps d'agir quand on voit la direction dans laquelle il faut mener le navire.

La cinquième nouveauté, enfin, c'est la réforme en profondeur des contrats aidés et la création d'un contrat unique d'insertion – nous l'appelions depuis très longtemps de nos voeux –, qui va beaucoup plus loin que les dispositifs élaborés dans le cadre du plan de cohésion sociale de 2004. J'y ai participé, j'en parle donc en connaissance de cause. Il a deux objectifs : premièrement mettre le pied à l'étrier à ceux qui ont besoin d'une transition vers l'emploi classique ; deuxièmement, faire bénéficier de la solidarité ceux qui ont des difficultés prolongées mais qui, pour autant, ne doivent pas être condamnés à vie à l'exclusion.

Lors de la phase de concertation, la plupart des acteurs avait convenu que le succès du RSA impliquait plusieurs conditions. En tant que rapporteur de ce texte, je me suis attaché à vérifier que le projet qui nous est présenté respecte bien les conditions énoncées dans le Grenelle de l'insertion et à souligner – c'est mon rôle – les points qui restent à approfondir.

Première condition : le RSA doit être tout autant un outil de lutte contre la pauvreté qu'un moteur puissant de retour vers l'emploi. Condition remplie !

Deuxième condition : le dispositif du RSA doit procurer à son bénéficiaire reprenant un emploi un surcroît de revenu suffisant pour qu'il ait un intérêt financier à quitter l'assistance. Condition remplie !

Troisième condition : le dispositif du RSA doit prendre en compte les droits connexes dont bénéficiaient les allocataires du RMI ou des minima sociaux, afin de supprimer ces fameuses « trappes à inactivité ». Condition remplie !

Quatrième condition : les financements du RSA doivent être à la hauteur des objectifs qui lui sont fixés. Ces financements doivent reposer à la fois sur le redéploiement de certaines dépenses et sur de nouvelles ressources. Une réflexion parallèle doit être menée – nous l'avions dit dès le mois de juin – sur la prime pour l'emploi, qui ne doit pas être sacrifiée à cette réforme, ainsi que sur le plafonnement global des niches fiscales. Condition remplie ! Monsieur le haut-commissaire, ce n'était pourtant pas gagné d'avance.

Cinquième condition : le RSA doit, dès sa mise en place, s'appuyer sur un équilibre entre droits et devoirs de ses bénéficiaires – le droit de bénéficier d'un accompagnement personnalisé et renforcé vers l'emploi, mais aussi le devoir de s'inscrire résolument et de bonne foi dans une démarche de retour à l'emploi. La lutte contre les abus et les fraudes doit être une priorité du service public d'accompagnement des bénéficiaires du RSA et des travailleurs modestes pour plus de justice et d'équité. Nous sommes dans une culture nouvelle du résultat et d'évaluation de l'action publique, qui fera l'objet d'amendements importants de notre commission.

Ces conditions étant désormais satisfaites, grâce à l'important travail préparatoire que vous avez mené, monsieur le haut-commissaire, il nous faut évaluer et évoquer sans détour les risques de la généralisation du RSA et les points à approfondir.

En premier lieu, l'instauration d'une prestation sociale unique s'adressant à un potentiel large de bénéficiaires n'est pas neutre. Elle concerne plusieurs millions de personnes correspondant aux bénéficiaires du RMI et de l'API, et aux personnes exerçant un travail à temps partiel choisi, mais souvent subi, ou à temps plein et percevant un salaire inférieur au SMIC. Il y aura intégration dans le RSA de la majorité des bénéficiaires de la PPE avec la possibilité de choisir – nous vous en remercions – le meilleur système : d'un côté, un système familial et un système basé sur des ressources et, de l'autre, un crédit d'impôt individuel. L'intégration doit donc se faire sans qu'il y ait de la part des travailleurs pauvres un sentiment de déclassement du fait de la substitution d'une aide sociale et familiale à une aide fiscale et individuelle : la prime pour l'emploi.

En outre, la mise en oeuvre du RSA ne peut s'abstraire du contexte de nécessaire maîtrise des charges publiques. Nous y sommes tous attentifs dans cet hémicycle. La France continue de se caractériser par un taux de charges plus élevé que nos concurrents, amputant d'autant le salaire direct et le pouvoir d'achat de chaque salarié. L'amélioration du salaire direct, fruit du travail, et plus particulièrement du niveau de rémunération des salariés se situant entre un SMIC et un SMIC et demi, doit rester la priorité dans toutes nos politiques économiques, sociales et d'accompagnement. L'objectif demeure bien entendu qu'il soit plus rémunérateur de travailler.

En troisième lieu, le RSA, qui est une réelle avancée pour la situation sociale et le pouvoir d'achat des plus modestes, ne doit pas devenir, à terme, une trappe à « temps partiel subi ». Je ne parle pas du temps partiel choisi.

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