Cette table ronde est l'occasion de dresser un bilan lucide et responsable du plan de soutien à l'économie française initié par le Président de la République en octobre 2008. Nous l'avons dit lors de notre audience à l'Élysée le 5 mars, nous tenons à le dire à la représentation nationale aujourd'hui, sans pavoiser : ce plan, mis en oeuvre avec Oséo et les pouvoirs publics, est un succès considérable.
À ma connaissance, aucun autre pays n'est parvenu à cumuler un bénéfice important pour les finances publiques et un soutien effectif à la distribution de crédits. En Italie et au Canada, où les systèmes bancaires ont réussi à se maintenir, le soutien des banques ne s'est pas traduit par un produit budgétaire. Partout ailleurs, les systèmes bancaires ont réduit leurs crédits, quand leur sauvetage n'a pas coûté des fortunes.
Vous avez dit, monsieur le président, que le Gouvernement avait prévu un potentiel de 306 milliards au titre des emprunts et de 40 milliards au titre des fonds propres. Force est de constater que le Gouvernement et le système bancaire ont été raisonnables dans la mobilisation de ces sommes, puisque seulement 25 % des emprunts ont été réalisés et 50 % des fonds propres utilisés. La Société de financement de l'économie française (SFEF) a été mise en sommeil en octobre 2009 : les opérations s'élèvent à 77 milliards d'euros, la garantie ayant rapporté à l'État 1,3 milliard d'euros au titre du budget 2009. Sur les 20 milliards de fonds propres prêtés aux cinq principaux réseaux bancaires, 14,5 ont d'ores et déjà été remboursés, le reliquat devant suivre prochainement, comme M. François Pérol s'y est engagé.
Les banques françaises se sont mobilisées – non pas parce qu'elles y étaient contraintes mais parce que c'est leur métier – et ont pris un certain nombre d'engagements. Les chiffres, donnés lors de la conférence de presse de Mme Christine Lagarde, sont parlants. Lors de la dernière récession, en 1993, l'économie avait reculé de 0,9 % tandis que les crédits à l'économie chutaient de 1,8 %. En 2009, alors que l'économie reculait de 2,25 %, les crédits à l'économie ont crû, pour l'ensemble du système bancaire, de 1,8 % et, pour nos cinq réseaux, qui avaient pris des engagements, de 2,7 %.
Certes, nous avions pris l'engagement de faire croître les crédits de 3,5 % en moyenne. Les prévisions faisaient alors état d'une croissance du PNB de 1 % en 2009. Il a en fait reculé de 2,25 %. Eu égard à la dégradation du contexte, nous considérons que les objectifs ont été atteints. Par ailleurs, les crédits n'ont augmenté que de 0,6 % en Italie ; ils ont chuté de 1,8 % en Allemagne, de 4,5 % en Espagne et de 9,2 % en Belgique. Il ne s'agit pas de pavoiser ! Reconnaissons cependant que l'action des banques, couplée à celle d'Oséo, a permis à notre pays de traverser cette récession dans de meilleures conditions que nos voisins.
Il convient de ne pas confondre quelques cas isolés avec la réalité observée de manière générale. Comme le montrent quatre enquêtes récentes, 90 % des chefs d'entreprise se déclarent satisfaits de la relation qu'ils entretiennent avec leur banque, deux tiers d'entre eux voyant même leur banquier au moins une fois par mois. De cette intensité relationnelle, qui permet à l'information de circuler, naît la possibilité de traverser les périodes difficiles. Par ailleurs, une enquête d'Oséo montre que la première préoccupation des chefs d'entreprise, dans 70 % des cas, ne concerne pas le crédit mais bien leur chiffre d'affaires, c'est-à-dire leur carnet de commandes. Enfin, une enquête de la Banque centrale européenne menée auprès de 20 000 TPE et PME révèle que 80 % des chefs d'entreprise français déclarent avoir obtenu, dans les six mois précédents, la totalité des crédits demandés, alors qu'ils ne sont que 59 % en Allemagne, 56 % en Italie et 44 % en Espagne.
Nous ne nous satisfaisons pas pour autant de ces chiffres et nous allons, cette année, redoubler notre mobilisation.
Pour 2010, nous avons pris un engagement d'enveloppe : 58 milliards pour le court terme et 38 milliards pour le long terme. Il ne s'agit là que d'une offre. Aux entreprises de faire leur demande et de ne pas s'autocensurer. Par ailleurs, en réponse aux préoccupations exprimées notamment par M. Roubaud, nous nous sommes engagés à fixer le délai de réponse à quinze jours pour les dossiers simples et complets. Cet engagement exigeant suppose une mobilisation importante de nos réseaux.
Nous avons mis en garde le Président de la République sur les nouvelles mesures prudentielles qui seront décidées prochainement à Bâle dans le cadre des discussions « Bâle III ». Si les exigences en capital et en liquidités du comité de Bâle, qui observe un principe d'hyperprécaution, se révèlent excessives, la capacité du système bancaire européen à financer les PME et les ménages s'en trouvera significativement handicapée. Nous tenons à le dire solennellement afin qu'en 2011 ou 2012 on ne nous reproche pas de ne pas avoir prévenu !
Des leçons doivent être tirées de la crise et le système bancaire français entend collaborer à la mise en oeuvre de mesures nouvelles. Mais celles-ci doivent être raisonnables et équilibrées pour les deux bouts de la chaîne. Il ne faut pas pénaliser l'économie européenne par des exigences en capital et en liquidités excessives, sous prétexte d'une récession qui a trouvé sa source aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Le modèle bancaire européen est spécifique, ce qui explique sa relative bonne tenue pendant la crise, et finance les trois quarts des besoins des PME – aux États-Unis, les entreprises se financent pour les trois quarts sur les marchés et pour un quart auprès des banques. Affecter le crédit bancaire aurait de graves conséquences économiques.