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Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 25 mars 2010 à 15h00
Droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour les étrangers non ressortissants de l'union européenne résidant en france — Discussion générale

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice :

Nous avons eu des échanges de qualité sur une question importante.

Vous avez eu raison de souligner, monsieur Garraud, que le fait de ne pas être favorable à l'octroi du droit de vote municipal aux étrangers extracommunautaires n'était en rien l'indice d'une quelconque volonté de les stigmatiser. Je rappellerai à mon tour que la France reste parmi les premiers pays d'immigration en Europe. C'est dans cet esprit que, plus que dans d'autres pays européens et malgré des difficultés évoquées par certains orateurs, la France offre largement la possibilité d'acquérir la nationalité.

M. Pupponi, à l'instar de ses collègues, a établi des comparaisons avec d'autres pays européens. Je rappelle que de grands pays démocratiques proches de nous, comme l'Allemagne et l'Italie, ne donnent pas le droit de vote aux étrangers. En outre, la législation de certains États en matière d'acquisition de la nationalité est bien plus restrictive que la nôtre, ce pourquoi ils accordent plus volontiers de droit de vote des étrangers aux élections locales. Comparaison n'est donc pas raison.

Nous partageons le regret de M. Cochet. Reste que notre conception ne constitue en rien un obstacle à la participation des étrangers non communautaires à la vie économique et sociale de la France. On ne peut pas, en matière d'intégration, tout relier au droit de vote aux élections municipales. On le constate tous les jours sur le terrain, et certains ont décidé de ne pas faire ce choix pour des raisons qui leur sont propres et qui sont respectables.

L'intervention de M. Siffredi a mis en lumière le rôle essentiel de la naturalisation. La France offre largement cette possibilité. Il s'agit d'un acte important de la part de ceux qui souhaitent rejoindre la communauté nationale. Nous avons raison de l'encourager sans le banaliser. S'il y a ici ou là des difficultés administratives qui ne se justifient pas, nous devons y remédier.

Mme Pau-Langevin s'est opposée à ceux qui redoutent un regain de communautarisme dans l'hypothèse de l'octroi du droit de vote local aux étrangers. Je ne porterai pas de jugement de valeur sur son intervention, de qualité comme toutes, mais je souhaite la renvoyer à celle de M. Pupponi, qui décrivait la réalité – la même que celle que je constate dans ma ville – de certaines communautés étrangères. Malgré les efforts importants de l'État en matière d'intégration, le risque du repli communautaire est réel.

Sans porter de jugement de valeur, ni parler d'effet mécanique, on ne peut pas non plus considérer que le risque n'existe pas – je suis sincèrement persuadé du contraire – que cette démarche encourage, ici ou là, une telle dérive.

M. Brard a évoqué, avec la verve qu'on lui connaît, des exemples historiques dont je voudrais lui rappeler qu'ils n'ont jamais conduit à la mise en cause du lien entre la nationalité et le droit de vote. C'est bien la preuve que, à travers tous ces moments forts de l'histoire, la communauté nationale était attachée à ce lien.

M. Mallié a rappelé, comme plusieurs autres de ses collègues, la règle de réciprocité qui s'applique au droit de vote des étrangers communautaires. Nos engagements européens placent les intéressés dans une situation particulière, qui justifie l'exception, au demeurant limitée, faite à leur bénéfice, à la règle liant droit de vote et nationalité.

Madame Dumont, il n'est pas juste de prétendre que la France nie aux étrangers résidant sur son territoire le droit d'exister. Ils bénéficient de nombreux droits, y compris constitutionnels, au même titre que les nationaux. Ils peuvent également, si tel est leur choix, rejoindre la communauté nationale. Il n'y a nulle exclusion stigmatisante. Je pense que votre propos, de ce point de vue-là en tout cas, était excessif.

M. Vanneste rappelait tout à l'heure, à juste titre, que le fait de payer des impôts ne saurait suffire à fonder la citoyenneté. Celle-ci doit rester attachée à une histoire, à une culture, à un ensemble de principes et de valeurs que l'on fait vivre en choisissant de devenir français. Certains ont évoqué le colonialisme, qui fait partie de l'histoire de notre pays. Ils ont eu raison de le faire, cela fait partie du débat. Mais cette histoire est une histoire partagée. Et lorsque quelqu'un choisit, quelle que soit son origine, de faire le pas de la naturalisation, il décide de faire un pas de plus dans cette histoire partagée, qui compte des heures très fortes, parfois très douloureuses, mais qui est notre patrimoine commun, que personne ne remet en cause.

Madame Hoffman-Rispal, vous évoquez, à mon avis à tort, l'isolement de la France en matière de vote des étrangers aux élections locales. Encore une fois, chaque pays a une tradition différente. Certains pays qui ont décidé de faire ce choix ont une conception de l'acquisition de la nationalité beaucoup plus restrictive que la nôtre.

Madame Hostalier, il y a dans notre Constitution un principe d'égalité, qui est fondamental et qui rend inacceptable que les femmes ne bénéficient pas des mêmes droits que les hommes, avec lesquels elles composent le peuple français, source exclusive de la souveraineté. Les étrangers sont, de ce point de vue, dans une situation différente.

Si vous avez évoqué, exemples à l'appui, un certain nombre de situations où des freins administratifs peuvent apparaître comme décourageants pour les candidats à la naturalisation, je pense que notre devoir, que ce soit au niveau des administrations centrales, des responsables politiques, ou au niveau local, est de pointer ces difficultés et de les surmonter. Je ne nie pas une réalité que nous connaissons tous, puisque nous sommes tous confrontés à des freins administratifs, dans ce domaine comme dans d'autres. Mais personne ne peut nier non plus, car nous connaissons les chiffres de 2008 et de 2009, l'importance de l'exercice, en France, du droit à la naturalisation. Nous organisons tous, dans nos communes, et il est bon qu'il en soit ainsi, des réceptions qui réunissent maintenant très régulièrement des dizaines, voire des centaines de personnes nouvellement naturalisées. Il faut vivre ces cérémonies pour mesurer la diversité de ces personnes, leur état d'esprit, leur aspiration, leur fierté. Et là, nous nous rendons compte que la naturalisation n'est pas une démarche marginale ou automatique. C'est quelque chose d'extrêmement fort. Plus encore en France qu'ailleurs, c'est une réelle possibilité. Et nous devons la parfaire, j'en suis d'accord avec vous.

Monsieur Goldberg, croyez bien qu'il n'est nullement question, pour quiconque, de remettre en cause le droit qu'ont les étrangers de participer aux élections professionnelles ou sociales. Le Gouvernement ne dit pas non plus qu'il faille mériter le droit de vote.

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