Mais nos arguments sont contradictoires.
J'en doute également au regard du prétendu débat sur l'identité nationale et des déclarations xénophobes qui ont émaillé la campagne des régionales et qui, hélas, ont fait revenir le Front national en force dans le débat public.
Notre pays est-il donc condamné à être toujours en retard d'une loi ? Depuis deux siècles, les républicains n'ont cessé de lutter pour l'égalité des droits politiques. Or la démocratie ne sélectionne pas les électeurs en fonction de leur naissance. Elle implique au contraire que tout résident régulièrement installé soit représenté.
Les arguments maniés dans ce débat jouent sur les fantasmes et les peurs recuites de l'opinion publique, qui invoquent l'intégrisme des immigrés ou les risques de déstabilisation de notre société. Les pays qui accordent le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers non communautaires, qu'il s'agisse de l'Irlande, du Danemark, de la Suède ou des Pays-Bas, sont pourtant davantage déstabilisés par le pouvoir des multinationales, des banques et des fonds de pension que par l'accès au suffrage d'une partie de leurs habitants.
Le droit de vote des étrangers est un défi démocratique parce qu'il passe outre aux positions xénophobes d'une partie de l'opinion et parce qu'il parie sur la maturité des Français ; il procède en cela de la démarche politique qui a inspiré la gauche lorsqu'elle a aboli la peine de mort, même si l'opinion n'y était prétendument pas majoritairement favorable.
Nous devons accompagner la marche en avant de la société qui rejette ces frilosités d'un autre âge. Ne restons pas à la traîne d'une opinion qui évolue : la majorité des Français est maintenant acquise au droit de vote des étrangers. Comme l'a rappelé l'orateur précédent, même le Président Sarkozy l'a évoqué plusieurs fois dans ses discours de campagne. Ouvrir ce débat est donc pleinement légitime.
Le droit de vote des étrangers dessine aussi une autre conception de l'Europe. Avec l'application du traité de Maastricht sur le droit de vote des étrangers communautaires, une nouvelle législation a créé de fait une discrimination entre les étrangers extra-communautaires et les autres. De quelle Europe voulons-nous ? Une Europe citadelle blanche et judéo-chrétienne ou une Europe ouverte, qui ignore les distinctions d'origine ou de religion ? L'Union européenne doit proposer un modèle nouveau d'alliances entre les peuples, elle doit être une fédération ouverte. Les 16 millions d'immigrés extra-communautaires qui y vivent sont une chance pour l'Europe, parce qu'ils sont une passerelle vers le reste du monde. Les États nations doivent reconsidérer leur fonctionnement dans une Europe où la souveraineté est, de facto, partagée.
Au-delà de la stricte définition de la nationalité, la citoyenneté se fonde sur l'existence d'une communauté de vie et de travail. Le droit de vote est donc un élément permettant d'accéder à une citoyenneté européenne de résidence. Ce sont les logiques de guerre et de défense des frontières qui ont fusionné les notions de citoyenneté et de nationalité. C'est la paix avec nos voisins, la construction d'une Europe solidaire et la mondialisation qui permettent à la France de renouer avec la conception universaliste de la citoyenneté.
C'est pourquoi les députés écologistes comme le groupe GDR appelleront à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)