Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun mesure la portée de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui. Pour la seconde fois dans cette enceinte, après le vote majoritaire en 2000 de la proposition de loi présentée par les députés Verts, nous pouvons en effet discuter de l'accession à une citoyenneté pleine et entière de quelque deux millions d'habitants de notre pays, exclus du suffrage universel depuis trop longtemps. La grande majorité des résidents non communautaires qui vivent sur notre sol y sont installés depuis de nombreuses années et se soumettent aux devoirs qui leur incombent. Mais ils n'ont aucun droit de regard sur les décisions qui touchent à leur vie quotidienne. Sans représentation politique de tous ses habitants, notre République restera orpheline de l'égalité.
Où est l'égalité lorsque, dans certaines de nos banlieues, la proportion d'habitants n'ayant pas ce droit minimum d'expression politique peut atteindre 20, 30, 40 voire 50 %, comme le disait François Pupponi ? Comment justifier que le nombre d'élus pour chacune de nos communes soit calculé sur la base du nombre d'habitants et non du nombre d'électeurs ? Parce qu'ils vivent cette situation comme une mise à l'index de leurs parents, les jeunes issus de l'immigration ne se sentent pas motivés pour accomplir leur devoir de citoyen. Ils viennent de le rappeler à l'occasion des élections régionales. Quels que soient nos camps politiques, nous devrions nous employer à mettre fin à cette anomalie qui constitue un danger pour notre démocratie.
Le droit fondamental de contribuer à la construction du destin de la collectivité dans laquelle on vit est le levain de la citoyenneté. Quiconque a vu les yeux brillants d'une personne jusqu'alors privée de ce droit lorsqu'elle met un bulletin dans l'urne pour la première fois de sa vie comprend la signification profonde de l'acte démocratique. Comme le disait Victor Hugo : « Le suffrage universel, au milieu de toutes nos oscillations dangereuses, crée un point fixe. Et pour qu'il soit bien le suffrage universel, il faut qu'il n'ait rien de contestable, c'est-à-dire qu'il ne laisse personne, absolument personne en dehors du vote […], qu'il ne laisse à qui que ce soit le droit redoutable de dire à la société : je ne te connais pas. »
Notre assemblée débattra-t-elle dans la sérénité de cette question ? J'en doute si j'en juge aux propos que je viens d'entendre. Les contradictions sont nombreuses.