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Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 25 mars 2010 à 9h30
Droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour les étrangers non ressortissants de l'union européenne résidant en france — Discussion d'une proposition de loi constitutionnelle

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Quant à ceux qui évoquent des problèmes de souveraineté, je rappelle que cette proposition de loi constitutionnelle, si elle était adoptée par notre assemblée et par le Sénat, devrait nécessairement être soumise à référendum, et que la souveraineté nationale, selon l'article 3 de notre Constitution, « appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».

Ce retard pris, cette forme d'anachronisme, a de multiples conséquences.

D'abord en termes de représentation. La population majeure étrangère non communautaire ne représente que 3,5 % de la population en France, mais elle n'est pas également répartie sur le territoire et réside principalement dans les zones de grandes concentrations de population, en particulier dans les trois grandes régions métropolitaines, et principalement en Île-de-France. Aujourd'hui, tous les élus locaux et les maires des communes de ces territoires s'interrogent et essaient de trouver des solutions pour associer à la délibération collective ces administrés présents, actifs et investis dans la vie de la cité, mais officiellement privés de droit de cité.

Au reste, le nombre des élus municipaux et les dotations aux collectivités sont calculés en fonction de la population et non du nombre d'inscrits sur les listes électorales. La seule façon de remédier à cette rupture d'égalité entre les citoyens d'une même cité, c'est de consacrer, enfin, la citoyenneté de résidence.

Surtout, je souhaiterais évoquer la question de la participation électorale. J'ai rendu ce rapport avant les élections régionales, mais les scrutins des dimanches 14 et 21 mars 2010 n'ont fait qu'amplifier un phénomène déjà ancien : la participation est en chute libre partout, et singulièrement dans les grandes concentrations urbaines et les quartiers populaires, là où vivent la population étrangère et des générations de Français issus de l'immigration.

Nul ne peut prétendre donner une explication unique, univoque, à cette abstention, déjà sensible en 2008 aux élections municipales. Mais les faits sont là : au premier tour des régionales, moins d'un électeur sur deux a voté. Je le répète, il n'existe pas une explication univoque à cette abstention. Toutes et tous, vous avez, comme moi, fait maintes fois la tournée des bureaux de vote lors d'un scrutin. Vous y avez certainement vu des parents avec leurs enfants ; peut-être avez-vous vous-même, un jour, amené vos enfants voter avec vous. En effet, si le vote est un droit, c'est aussi un rituel civique dont on hérite, ou pas. Que ressentent les électeurs dont les parents sont privés de ce droit ? Quel rapport à l'idée même de politique, c'est-à-dire, étymologiquement, à la vie de la cité, cela induit-il ?

Quand, dans des quartiers entiers, les grands-parents et parents d'électeurs français sont privés du droit de vote, le rite ne se transmet plus, et les doutes, les colères et les aspirations trouvent d'autres voies pour s'exprimer. Les élus du peuple que nous sommes ne sauraient s'y résigner. En tout cas, nous, nous ne l'acceptons pas. C'est donc également dans le souci de revitaliser notre démocratie représentative que je vous propose de voter ce texte. Cessons de fabriquer des Français défiants envers les institutions de la République !

À ceux qui disent que cette proposition de loi n'a aucune chance de passer et que nous avons donc tort de l'examiner, je rappelle que cette assemblée a débattu pour la première fois en 1906 d'un texte proposant d'accorder le droit de vote aux femmes. Elle en a délibéré à dix-neuf reprises et l'a même voté à six reprises. Mais il a fallu un demi-siècle pour que, dans ce pays, la moitié de l'humanité se voie reconnue dans ses droits civiques.

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