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Intervention de Pierre Morel-A-L'Huissier

Réunion du 24 mars 2010 à 12h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Le projet qui nous est soumis est la traduction législative des accords dits « de Bercy » sur le dialogue social dans la fonction publique, signés le 2 juin 2008 par la très grande majorité des organisations syndicales de fonctionnaires – par la CGT, la CFDT, la FSU, l'UNSA, la CGC et Solidaires –, qui constituent une avancée historique. Il est organisé autour de trois axes.

Le premier est l'amélioration de la représentativité des instances de dialogue social que sont les conseils supérieurs, les commissions administratives paritaires (CAP) et les comités techniques paritaires (CTP).

La composition de ces instances sera désormais strictement proportionnelle aux résultats des élections professionnelles. Les membres des comités techniques seront élus et non plus désignés par l'administration sur la base des résultats des élections aux CAP. Le texte supprime l'attribution de « sièges préciputaires », dans les conseils supérieurs, aux organisations syndicales considérées comme les plus représentatives. Les sièges des conseils supérieurs seront désormais répartis proportionnellement aux résultats obtenus lors des élections des comités techniques, ce qui permettra de représenter tous les agents publics, titulaires et non titulaires.

Dans le même souci d'améliorer la représentativité des membres des instances consultatives, les critères posés par la loi pour présenter des listes aux élections professionnelles sont assouplis : aujourd'hui, seuls les syndicats déjà considérés comme représentatifs peuvent présenter des listes au premier tour des élections ; désormais, tout syndicat de fonctionnaires ayant au moins deux ans d'ancienneté pourra présenter une liste. Ces règles s'appliqueront pour l'élection des membres des CAP et des comités techniques.

Deuxième axe du projet : l'amélioration du fonctionnement de ces instances consultatives.

Pour assurer un dialogue social plus effectif et moins formel, il est prévu de mettre fin à la composition paritaire des conseils supérieurs et des comités techniques. Les inconvénients du système actuel sont dénoncés depuis plusieurs années : le paritarisme est largement une fiction, les représentants de l'administration votant de manière monolithique en faveur des projets soumis par l'administration et, pour la plupart, ne prenant même pas part aux discussions ; il suffit, dans ces conditions, qu'un seul représentant syndical s'abstienne pour qu'un projet reçoive un avis favorable, même si tous les autres représentants syndicaux ont voté contre ! C'est une façon plutôt curieuse de consulter les agents… À l'occasion des auditions, j'ai ainsi pu constater que dans leur quasi-totalité, les organisations syndicales étaient favorables à la suppression du paritarisme dans la fonction publique de l'État. Désormais, les comités techniques seront exclusivement composés des représentants du personnel. Du côté de l'administration, les représentants seront choisis en fonction de l'agenda de chaque réunion. Une exception est prévue pour la fonction publique territoriale : le comité technique continuera à comprendre des représentants des collectivités territoriales, mais ils ne prendront pas part au vote. Dans les conseils supérieurs des fonctions publiques territoriale et hospitalière, les employeurs locaux et hospitaliers demeureront représentés, mais ils émettront un avis distinct de celui des représentants du personnel. Ce vote par collège permettra de distinguer les positions respectives des employeurs et des fonctionnaires, au lieu de les confondre.

Par ailleurs, le texte crée une instance de consultation commune à l'ensemble de la fonction publique, qui permettra de discuter de sujets communs à ses trois versants, plutôt que de saisir séparément les trois conseils supérieurs.

Enfin, le projet rationalise l'organisation des élections professionnelles, en permettant d'organiser un renouvellement simultané des différentes instances. C'est une simplification importante par rapport à la situation actuelle, où les dates des élections diffèrent d'un ministère à l'autre, et même d'un corps à l'autre et d'un service à l'autre au sein d'un même ministère ; ce système de campagne électorale permanente représente un coût important pour les syndicats et une charge de travail pour l'administration.

Le troisième axe du projet est le renforcement de la place et du poids du dialogue social. Aujourd'hui, le statut général ne prévoit de négociations avec les organisations syndicales qu'en matière salariale, alors que ces dernières années, des accords ont été négociés sur bien d'autres sujets – par exemple, un accord-cadre sur la formation professionnelle en 2006, un accord sur le compte épargne temps ainsi qu'un relevé de conclusions sur les politiques sociales en 2008, un accord sur l'hygiène et la sécurité en 2009. Le projet étend le champ du dialogue social prévu dans le statut, en mentionnant notamment l'organisation du travail, l'insertion des personnes handicapées, le déroulement des carrières, la formation professionnelle, l'action sociale, l'égalité entre les hommes et les femmes – et je vous proposerai d'ajouter la problématique du télétravail. Dans la fonction publique territoriale, les compétences des comités techniques sont elles aussi détaillées, en incluant par exemple la gestion prévisionnelle des emplois, la politique indemnitaire et les conditions de travail. Dans les deux autres fonctions publiques, la liste des compétences des comités techniques relèvera du décret.

Le dialogue social sera également mieux reconnu grâce à la consécration de la notion d'accords majoritaires. Aujourd'hui en effet, aucune distinction n'est faite entre les accords selon qu'ils sont signés par une minorité ou par une majorité d'organisations syndicales. Le projet définit des critères de validité des accords : dans un premier temps, appelé « période transitoire », seront considérés comme valides les accords signés par des organisations syndicales représentant au moins 20 % des voix et qui ne font pas l'objet d'une opposition de la part des syndicats majoritaires – système proche de celui prévu par le code du travail ; dans un second temps, les seuls accords valides seront ceux qui auront été signés par des organisations syndicales représentant au moins 50 % des voix – ce qui sera un niveau d'exigence plus élevé que dans le secteur privé. Cette démarche par étapes permettra d'établir un bilan de la période transitoire avant de reconnaître les seuls accords majoritaires, conformément à ce que prévoyaient les accords de Bercy.

Enfin, le projet de loi a été complété le 23 février dernier par une lettre rectificative relative aux retraites des personnels infirmiers et paramédicaux. Ces personnels font actuellement l'objet d'une réforme statutaire qui se traduit par l'adoption de grilles de rémunération réévaluées et, pour certains d'entre eux, par le passage de la catégorie B à la catégorie A. En contrepartie, ces personnels ne seront plus classés en « catégorie active » au sens du code des pensions civiles et militaires de retraite, classement qui leur permettait de liquider leur pension dès l'âge de 55 ans et de bénéficier de majorations de durée d'assurance, mais qui les contraignait à partir à la retraite à 60 ans au maximum. Ces règles sont en décalage avec l'évolution des métiers paramédicaux, où la pénibilité s'est réduite. De plus, des personnels en nombre croissant souhaitent prolonger leur carrière pour percevoir une pension plus élevée.

Le Gouvernement propose de créer un droit d'option. Selon ce dispositif, les agents souhaitant intégrer les nouveaux corps et cadres d'emplois perdront le bénéfice de la catégorie active, tandis que les autres resteront dans leur corps d'origine et conserveront ce classement. Cet article du projet a fait l'objet d'un rapport pour avis de notre collègue Jacques Domergue au nom de la commission des affaires sociales, traditionnellement compétente en matière de statut des personnels de santé.

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