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Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 24 février 2010 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier, rapporteure :

La présente proposition de loi ne constitue pas, contrairement à la précédente, un dispositif d'urgence, mais l'aboutissement de la lente maturation d'une idée. « Rien n'est plus fort qu'une idée dont l'heure est venue », disait Victor Hugo.

Ce n'est pas la première fois que les socialistes proposent d'accorder le droit de vote aux élections municipales aux étrangers. Au siècle dernier, cette mesure avait été incluse dans les propositions d'un candidat à la présidence de la République ; et une proposition de loi en ce sens avait été adoptée à l'Assemblée nationale, mais n'avait pas été examinée par le Sénat. En 2002, le groupe socialiste a déposé une nouvelle proposition de loi, de portée plus large. En 2008, lors du débat sur la révision constitutionnelle, il a défendu la même position par voie d'amendements. Il s'agit par conséquent d'une conviction forte de notre groupe – mais pas seulement de lui.

Dans l'opinion publique et au sein de la majorité actuelle, en effet, l'idée d'accorder le droit de vote aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne semble avoir fait son chemin. À plusieurs reprises, l'actuel président de la République a exprimé son accord sur le principe ; le ministre de l'intérieur, M. Hortefeux, a déclaré que ce serait une mesure d'intégration simple et juste ; et plusieurs ministres, ainsi que des personnalités éminentes de la majorité présidentielle – comme Mme Rama Yade, MM. Jean-Louis Borloo, Philippe Douste-Blazy ou Yves Jégo –, y sont favorables.

Je rappelle que, depuis 1992 en théorie et depuis 1998 dans les faits, les étrangers originaires de l'Union européenne bénéficient du droit de vote aux élections municipales. Nous vous proposons à nouveau d'accorder ce droit de vote aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne. La présente proposition, qui reprend les termes de la proposition adoptée par l'Assemblée nationale en 2000, est en retrait sur celle de 2002, laquelle est conforme à nos convictions, mais peut-être moins susceptible d'un large accord.

Il s'agit d'une simple mesure de justice et d'égalité. Depuis dix ans, les enquêtes montrent que nos concitoyens y sont majoritairement favorables, tout simplement parce qu'ils trouvent étonnant que certains de ceux qui partagent leur vie quotidienne n'aient pas droit de cité, contrairement aux ressortissants communautaires, même si ces derniers sont présents sur notre territoire depuis moins longtemps et en moins grand nombre.

Ce texte de bon sens nous renvoie aux sources de la République et à la plénitude de notre bloc de constitutionnalité. Les deux nouveaux membres du Conseil constitutionnel que nous avons auditionnés ce matin nous ont rappelé que le Préambule de la Constitution fait référence à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, laquelle véhicule le message de 1789, celui d'une République conquérante, fière d'elle-même, qui voulait proposer au monde la liberté, l'égalité et la fraternité. La Déclaration reconnaît des citoyens avant que de reconnaître des Français. Cette proposition de loi est une main tendue, un moyen de privilégier ce que le médiateur, M. Jean-Paul Delevoye, appelait ce matin devant nous l'espérance, plutôt que la gestion par la peur ou l'humiliation.

Vous pourrez lire dans le rapport provisoire que le vote des étrangers aux élections municipales est pratiqué sur quasiment tous les continents. Et en Europe, la France, qui était à l'époque de la Révolution le phare de la démocratie et de la République, est aujourd'hui la lanterne rouge sur ce sujet. Toutes les institutions communautaires, du Parlement au Conseil en passant par la Commission, se sont d'ailleurs prononcées en faveur du droit de vote des étrangers aux élections locales.

C'est donc avec conviction et en souhaitant avancer avec sérénité que le groupe SRC vous propose, mes chers collègues, d'adopter cette proposition de loi.

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