Une fois de plus, je déplore d'avoir à le dire, nous allons légiférer sous le coup de l'émotion. Une fois de plus, notre travail se calque sur l'actualité médiatique. Une fois de plus, des groupes de pressions nous prennent en otage pour faire passer leur message.
Je le dis haut et fort : donnons de la hauteur au travail parlementaire, évitons les propositions de circonstance. Ne légiférons pas au cas par cas, donnons-nous plutôt le temps de la réflexion d'autant que, je veux le souligner en toute objectivité, le Parlement a entrepris un long travail de réforme de l'ensemble de la procédure pénale, qui comprend nécessairement la refonte totale de la justice pénale des mineurs. Ce long travail d'auditions, de concertation et de consensus nous permettra de faire avancer efficacement les mesures nécessaires au bon fonctionnement de notre justice, une vraie justice, équilibrée et humaine, tenant compte de la spécificité des problèmes posés par les mineurs.
Aujourd'hui, je voudrais vous éclairer sur les méfaits que risque d'engendrer cette proposition de loi, qui participe à mes yeux à la politique spectacle de ce gouvernement, et exposer les raisons de notre vote.
Tout d'abord, les nouvelles dispositions feront que le procès public deviendra la règle, tandis que le huis clos deviendra l'exception. Elles conféreront aux juges un « pouvoir embarrassant » selon les mots d'André Vallini. La cour sera, de façon certaine, prise en otage.
Au nom de la transparence, la justice se fait dicter ses choix, comme si, pour être crédible, elle se devait d'être relayée voire surveillée par les médias.
De plus, votre proposition de loi opère un grignotage supplémentaire de l'ordonnance de 1945. Cette dernière est pourtant le résultat d'un consensus d'après-guerre selon lequel la justice applicable aux adultes ne peut être adaptée aux mineurs – son article 14 est clair à cet égard. Les mesures qu'elle contient se justifient par la nécessité de protéger les mineurs, qu'ils soient turbulents, sauvageons ou carrément barbares.
Un mineur est et doit avant tout être considéré comme un être en construction, par essence réadaptable. Il doit pouvoir commencer sa vie d'adulte sans avoir à supporter le poids des actes commis dans son enfance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La solution la plus protectrice pour les majeurs est la publicité ; pour les mineurs, c'est le secret.