La parole est à M. André Vallini.
M. André Vallini. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'ordonnance du 2 février 1945 a plus de soixante ans et il est toujours utile de rappeler ce texte emblématique qui affirme que la justice des mineurs doit être gouvernée par des principes intangibles : spécialisation des magistrats, primauté de l'éducatif sur le répressif, prise en considération de la personnalité de l'enfant, individualisation et atténuation de la peine liée à la minorité.
Depuis ce texte fondateur, la nécessité d'un droit pénal spécifique a été plusieurs fois réaffirmée dans de nombreux textes internationaux comme la Convention internationale des droits de l'enfant et souvent rappelée par la Cour européenne des droits de l'homme. Dans notre droit interne, le Conseil constitutionnel lui-même a affirmé dans une décision du 29 août 2002, que la spécificité du droit pénal des mineurs constitue un principe fondamental. Cette décision visait explicitement la règle de publicité restreinte qui nous occupe aujourd'hui avec cette proposition de loi qui remet en cause la procédure du huis clos devant la cour d'assises des mineurs.
Posons-nous une question simple : pourquoi le huis clos ? La réponse des législateurs de 1945 était simple elle aussi : pour éviter que des fautes de jeunesse soient étalées sur la place publique alors que certains procès se déroulent après la majorité du mis en cause.
La justice pénale des mineurs doit, bien sûr, répondre et sanctionner aussi sévèrement que nécessaire les actes délictueux, mais elle doit également contribuer au relèvement éducatif et moral des enfants délinquants et, pour cela, elle doit leur garantir les meilleures chances de réinsertion en évitant toute stigmatisation tardive.
Le huis clos est donc conforme à l'intérêt du mineur même devenu majeur. Il présente un autre avantage : il peut garantir la sérénité et le bon déroulement des débats devant le tribunal ou la cour d'assises.
Je veux rappeler les propos de maître Dominique Attias, avocate spécialiste du droit pénal des mineurs devant la commission des lois, qui nous a expliqué que la publicité des débats lors du procès du gang des barbares aurait surtout servi le goût de la provocation de l'horrible Youssouf Fofana et lui aurait offert une tribune pour exprimer sa haine de la justice, de la société, de l'humanité.
Elle a ajouté qu'au cours de ce procès auquel elle a participé en tant qu'avocate, les débats ont été très approfondis, ce qui aurait été sans doute impossible s'ils avaient été publics.
Devant la commission des lois le même jour, Mme Catherine Sultan, présidente de l'Association nationale des magistrats de la jeunesse et de la famille et M. Henri-Claude Le Gall, président de l'Association nationale des praticiens de la cour d'assises nous ont dit que la réforme proposée n'allait pas dans le sens de l'intérêt des mineurs et qu'elle n'améliorerait pas la qualité de la justice rendue.
J'ajoute que si la commission Varinard a retenu le principe de la publicité restreinte au titre des principes directeurs de la justice pénale des mineurs, son silence sur le cas spécifique des mineurs devenus majeurs n'indique pas, monsieur le rapporteur, sa volonté que soit remis en cause le principe de la publicité restreinte.
Alors même que nous attendons deux grandes réformes, celle de la justice pénale des mineurs et celle de la procédure pénale, il est inutile de multiplier les lois pénales de circonstances, y compris et surtout, quand elles sont dictées par l'émotion, même si celle-ci est légitime.
Enfin, comme l'a souligné M. Muzeau, nous assistons plus généralement, depuis 2002, à l'alignement progressif du droit pénal des mineurs sur celui des personnes majeures et à la remise en cause de la spécificité du régime juridique applicable aux premiers. Ce texte en fournit malheureusement une nouvelle illustration ; voilà pourquoi nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)