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Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 16 février 2010 à 15h00
Modification de la procédure de huis clos devant la cour d'assises des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Malgré le respect et la compassion que je ressens pour cette famille, le raisonnement qui sous-tend cette proposition de loi me semble assez étonnant. Il me paraît aller à l'encontre de tout ce que les organisations luttant contre l'antisémitisme et le racisme font depuis des années pour lutter contre des propos ou des actes qui leur semblent odieux.

L'essence même de notre législation contre le racisme est précisément d'empêcher la diffusion ou la prolifération de propos, d'écrits racistes ou antisémites. La loi de 1881 a été modifiée en ce sens. Aujourd'hui encore, pourquoi interdit-on la vente de Mein Kampf ou du Protocole des Sages de Sion, si ce n'est parce que l'on craint l'effet que peut avoir sur des esprits faibles la diffusion d'écrits de cette nature ?

Lorsque la loi permet de ne pas diffuser des propos racistes ou antisémites, on la modifie pour en faciliter la diffusion : c'est incompréhensible !

Selon maître Szpiner c'est le silence qui a tué Ilan Halimi. J'ai pour ma part lu le bouleversant témoignage de Ruth Halimi sur les trois semaines de calvaire enduré par son fils. Elle met en cause le silence ou l'indifférence de divers participants à cette affaire, notamment celui de la jeune fille qui a servi d'appât. Elle exprime surtout son incompréhension devant la stratégie adoptée durant ces trois longues semaines par la police qui dirigeait les contacts, les entretiens avec les ravisseurs et qui, à diverses reprises, n'a pas exploité au mieux les informations ou qui a suggéré des réponses qui allaient à l'encontre de ce que la famille aurait voulu faire. Maître Martine Scemama, avocate de l'un des accusés a estimé que le huis clos avait aussi pour but de ne pas répondre publiquement d'une enquête ratée.

Si terrible que soit cette affaire et si révoltants que puissent être les raisonnements et les préjugés ayant abouti à ce crime gratuit, je m'interroge sur la raison de faire une telle exception aux principes qui fondent depuis des années la lutte que nous menons dans ce pays contre le racisme et l'antisémitisme.

Je rappelle que la résolution adoptée par le Parlement européen sur le souvenir de l'holocauste, de l'antisémitisme et du racisme du 13 octobre 2005 a insisté sur l'importance du souvenir, de l'éducation et sur la nécessité de rappeler les crimes affreux auxquels ont abouti ces idéologies de haine tout en insistant aussi sur la nécessité de ne pas faire trop de publicité à ces préjugés : « Il faut un dialogue permanent avec les médias au sujet de la contribution tant positive que négative, que les informations qu'ils diffusent et leurs commentaires peuvent apporter à la perception et à la compréhension de ces problèmes. » Le Parlement européen invite donc à la prudence.

Quelle est notre position par rapport à cette proposition de loi de circonstance ?

Nous devons garder vivant le souvenir de cette atroce affaire dans nos mémoires ; nous ressentons tous cette nécessité, mais, plutôt que de changer les règles et de répondre par la publicité des débats, je préfère la réponse apportée par le conseil de Paris qui a décidé, sur la proposition de Karen Taïeb, de donner le nom d'Ilan Halimi à une rue ou à un jardin de Paris du 12e arrondissement où le jeune homme a habité. C'est ainsi que l'on peut faire vivre son souvenir. Notre société ne peut répondre à la violence et à l'ignominie en enfreignant elle-même les règles dont elle a souligné l'importance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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