Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 16 février 2010 à 15h00
Modification de la procédure de huis clos devant la cour d'assises des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi prend le contre-pied des règles fondamentales qui régissent depuis toujours la justice des mineurs.

Devant la cour d'assises des mineurs le principe applicable est non le procès public tel qu'il est organisé pour les majeurs, mais une publicité restreinte ; assistent et participent au débat les parties aux procès ou des intervenants précisément désignés.

Cette règle a été mûrement réfléchie et adoptée parce que si cruel que soit le crime reproché à l'accusé, sa jeunesse et le fait qu'il s'agisse d'une personnalité en construction incitent à prendre en compte ses possibilités de réinsertion, d'amendement et de tabler plutôt sur l'avenir.

Certes, l'affaire qui est à l'origine de cette proposition de loi nous a tous saisis d'effroi. Il n'y a pas une mère de famille qui n'ait partagé les affres et la douleur de la famille de la victime devant ce drame inhumain. De plus, ce drame est survenu de manière aléatoire, puisque Ilan Halimi n'est pas mort pour des faits particuliers qu'il aurait commis, mais pour ce qu'il était censé incarner.

Je comprends que l'on ait envie de faire quelque chose devant des faits aussi graves. Mais il faut se demander si la procédure, telle qu'elle a fonctionné, n'a pas rendu compte de l'émotion qui a saisi l'opinion devant ces faits. Les condamnations prononcées sont lourdes, ce qui montre que les jurés ont compris. Le principal accusé a été condamné à la perpétuité. Pour les mineurs, le garçon a été condamné à quinze ans d'emprisonnement et la fille à neuf ans. Dans cette affaire, la publicité restreinte n'a pas signifié le laxisme.

Va-t-on, à cause d'une affaire particulière, remettre en cause la situation de la plupart des jeunes, jugés en cour d'assises, puisque, comme nous l'avons vu lors de l'examen du dossier, la plupart des mineurs jugés par la cour d'assises des mineurs sont majeurs au moment du jugement ? On est en train de retourner la règle pour l'essentiel des personnes qui passeront devant la cour d'assises des mineurs. Il me semble assez choquant de procéder par une simple proposition de loi. En effet nous ne pouvons pas bénéficier d'une étude d'impact sur les incidences de cette modification législative, contrairement à ce que permet la réforme.

Tous les spécialistes que nous avons entendus en commission des lois ont exprimé tout le mal qu'ils pensaient de la règle telle qu'elle était appliquée. Il me semble – le conseil des barreaux l'a rappelé – que légiférer en réaction à un événement, fût-il dramatique, ne peut pas produire une norme de qualité.

Conscient de la difficulté, notre collègue Baroin a donc modifié quelque peu son texte initial et confié aux magistrats la possibilité de décréter ou non la publicité en fonction des éléments du dossier. Je pense que vous alourdissez ainsi la charge qui pèse sur les magistrats, déjà confrontés dans des affaires de cette nature à des responsabilités particulièrement exigeantes.

En l'espèce, qui peut dire si la publicité restreinte des débats a joué un rôle négatif ? Tous ceux qui ont participé aux débats répondent que ce furent des débats de qualité. Les avocats ont estimé, au contraire, que la publicité restreinte avait joué un rôle dans la qualité des débats.

L'avocat général Bilger, qui a prononcé un réquisitoire particulièrement lourd contre cette proposition de loi nous a dit que nous avions eu affaire à un procès exemplaire, présidé par une présidente irréprochable avec un jury exemplaire, qui s'est concentré sur l'essentiel.

Il faut rappeler que, dans le cadre de nos règles, nous sommes extrêmement réticents devant une publicité concernant les informations relatives à l'identité des mineurs, qu'ils soient victimes ou auteurs des faits en cause. Vous fixez des limites selon lesquelles il ne pourra pas être donné d'informations sur les mineurs en cause. Mais à partir du moment où la presse sera dans le prétoire, ces garanties me semblent particulièrement illusoires.

L'ordonnance de 1945 avait été adoptée avec en exergue ce beau principe : « La France n'est pas assez riche d'enfants pour négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. » J'ai le sentiment que nous portons, aujourd'hui, sur nos jeunes un regard bien différent, puisque nous les voyons plus souvent comme des fauteurs de troubles ou des êtres menaçants que comme des jeunes qu'il faut protéger.

Nous souhaitions justement avec ce type de procédure ramener les jeunes vers davantage d'humanité et ne pas les écraser définitivement sous le poids d'un acte, même horrible.

On vient nous dire qu'il faut faire une exception, changer la règle parce que, en l'espèce, la publicité peut constituer une réparation pour la famille. Permettez-moi d'en douter. La famille d'Ilan Halimi a, au contraire, exprimé sa souffrance d'avoir vu les images du visage tuméfié de leur fils ou de leur frère dans la presse. Qui peut dire si, demain, à l'occasion de procès public, la presse ne pourrait pas à nouveau se repaître d'images ou de propos insoutenables ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion