Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par nos collègues François Baroin et Jack Lang que le groupe UMP a souhaité inscrire à son ordre du jour dépasse les clivages traditionnels que l'on peut connaître quelquefois dans cet hémicycle.
François Baroin et Jack Lang n'ont jamais caché que leur initiative faisait suite au déroulement du procès qui s'est tenu devant la cour d'assises des mineurs de Paris et qui a reconnu Youssouf Fofana, chef du « gang des barbares », coupable de l'assassinat et des tortures perpétrées à l'encontre d'Ilan Halimi.
Lors de la table ronde que le président de la commission des lois Jean-Luc Warsmann a souhaité organiser sur cette proposition de loi, le rapporteur a parfaitement expliqué qu'au-delà de l'émotion suscitée dans l'opinion publique, cette affaire particulière avait mis en évidence une défaillance de notre législation qu'il nous appartient de rectifier aujourd'hui.
Notre rapporteur et M. le secrétaire d'État ont parfaitement replacé cette proposition de loi dans la perspective de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme en particulier, qui dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement ».
Si ce principe du droit européen constitue également l'une des règles fondatrices de notre République, il n'en est pas pour autant, comme tous les principes, absolu et peut recevoir des exceptions lorsque d'autres intérêts justifient que la publicité soit supprimée ou atténuée.
Monsieur le rapporteur, vous citez à juste titre, dans votre rapport, le troisième alinéa de l'article 306 du code de procédure pénale qui prévoit des exceptions lorsque les crimes jugés mettent en jeu l'intimité de la victime.
Au-delà, et c'est naturellement ce qui nous intéresse aujourd'hui, la publicité des débats judiciaires reçoit une deuxième exception s'agissant des crimes et délits commis par des mineurs. Cette règle de la publicité restreinte pour les audiences concernant des mineurs est fondée sur la volonté de protéger les mineurs des regards du public et de ne pas empêcher leur réinsertion future.
Cependant, monsieur le rapporteur, et c'est ce qui a motivé la démarche que vous avez entreprise avec notre collègue Jack Lang, la réalité des audiences des cours d'assises des mineurs pose souvent la question de l'adéquation des règles relatives à la publicité restreinte avec les aspirations démocratiques légitimes à ce que la justice soit rendue publiquement.
Du fait des délais nécessaires à l'instruction et au passage en audience des affaires, la très grande majorité des accusés jugés par les cours d'assises des mineurs le sont après leur majorité. Ce fut le cas en 2008 pour presque 100 % des affaires.
De surcroît, la conception très stricte des exceptions au principe de la publicité restreinte aboutit à ce que le droit à la protection du mineur ne puisse être concilié avec d'autres intérêts qui devraient conduire à ce que les audiences soient publiques.
Votre proposition de loi, que vous avez enrichie après son dépôt et après les auditions que vous avez menées dans le cadre de votre rapport, vise à modifier ces règles de publicité, comme vous nous l'avez démontré dans le détail il y a quelques minutes.
Bien entendu, la table ronde que la commission des lois a organisée, et qui constitue une bonne initiative, a permis à certains de nos collègues, y compris dans notre majorité, de faire part de leurs interrogations. D'autres ont émis une critique plus dure. Je crois, pour ma part, que cette proposition de loi, telle qu'elle ressort des travaux de notre commission, largement amendée, ne mérite pas les manifestations d'indignation que nous avons pu lire ici ou là.
Il faut s'en tenir à la réelle portée de ce texte. Il s'agit de transformer la publicité restreinte une simple faculté, placée sous le contrôle du juge. Il en va de même de la publicité qui dépend aujourd'hui de la demande du mineur devenu majeur au moment du procès et dépendrait désormais d'une décision du juge. En tout état de cause, il ne s'agit donc pas de procéder à une réforme d'ensemble du droit pénal des mineurs.
Nous avons tous en tête, au-delà du procès Fofana, des exemples de certaines affaires dans lesquelles, même si l'auteur était mineur au moment des faits, les agissements étaient si graves qu'ils interpellent la société tout entière.
Aussi, il ne me semble pas contradictoire de défendre la spécificité de la justice des mineurs, à laquelle je suis attaché, et de soutenir cette proposition de loi. C'est en tout cas mon sentiment, qui, je l'espère, sera partagé sur l'ensemble de nos bancs au moment du vote.
Le texte présenté ne stigmatise aucun principe. Il est équilibré et mérite donc d'être adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)