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Intervention de Michel Hunault

Réunion du 16 février 2010 à 15h00
Modification de la procédure de huis clos devant la cour d'assises des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Hunault :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui du régime de publicité applicable devant les juridictions pour mineurs à la faveur de l'examen d'une proposition de loi de nos collègues François Baroin et Jack Lang. Prenant la parole au nom des députés du Nouveau Centre, je voudrais avant tout insister sur un point : le simple fait de voir désormais des sujets, pour certains sensibles et graves, pour d'autres complexes et techniques, traités par des textes d'origine parlementaire, prouve, si besoin était, le bien-fondé de la révision constitutionnelle que nous avons adoptée voilà un peu plus d'un an.

La publicité des débats judiciaires constitue, dans toute démocratie reposant sur la séparation des pouvoirs, un principe intangible et une garantie pour le justiciable. Cependant, dès lors que des mineurs sont en cause, il convient de concilier cette nécessaire transparence des débats avec la spécificité des intérêts en jeu, notamment la capacité des mineurs, victimes ou prévenus, à dépasser pour leur vie future le choc que peut constituer le procès.

Tournant le dos à l'ordre ancien, la première assemblée constituante a fait du caractère public du procès un principe général, gage de l'indépendance et de l'impartialité de la justice. En 1950, un an après sa création, les États membres du Conseil de l'Europe en ont fait l'un des éléments constitutifs d'un procès équitable, en inscrivant à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial. »

Si ce principe est bien de portée générale, il n'en est pas pour autant d'application absolue. Ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel, des circonstances particulières peuvent nécessiter que certains débats se tiennent à huis clos, y compris lorsque le jugement peut conduire à une privation de liberté. À ce titre, l'actuel article 306 du code de procédure pénale vise expressément les cas de viols, de tortures et d'actes de barbarie accompagnés d'agressions sexuelles, où le huis clos peut être prononcé afin de protéger l'intimité de la victime.

Devant les juridictions pour mineurs, c'est une autre logique qui prend le dessus, celle de la protection dont ceux-ci doivent bénéficier, y compris lorsqu'ils se trouvent en position d'accusé ou de prévenu. Au sein de notre ordre juridique, l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi venue poser, bien avant la convention internationale des droits de l'enfant de 1989, le principe fort de la spécificité du traitement pénal des mineurs. Ainsi, si l'enfant est bien responsable de ses actes, dès lors qu'il dispose du discernement nécessaire, il n'en demeure pas moins que la réponse de la société se doit, eu égard à sa capacité de redressement, de faire primer l'éducation, et par là la prévention d'une éventuelle récidive, sur la sanction.

Ce principe a pour corollaire celui de la publicité restreinte des débats judiciaires intervenant devant les juridictions pour mineurs. À la différence du huis clos, certaines catégories de personnes, limitativement énumérées au sein de l'ordonnance de 1945 comme ayant un intérêt à l'affaire, sont alors admises à assister à l'audience, à l'exclusion de toutes les autres. Avec ce principe de publicité restreinte, il s'agit bien pour la société d'offrir au mineur, en dépit des fautes dont il est accusé, le bénéfice d'une relative discrétion, afin qu'il ne se trouve pas, à l'occasion de son procès, livré en pâture à l'opinion publique.

Dans la droite ligne des conclusions de la commission Varinard, chargée par le Gouvernement de proposer une réforme de la justice des mineurs, il ne s'agit pas, avec cette proposition de loi, de remettre en cause le principe fondamental que constitue dans notre droit interne la spécificité du traitement pénal des mineurs. J'ai cru comprendre, monsieur le rapporteur, qu'en commission des lois, certains ont voulu faire dire à votre proposition ce qu'elle ne disait pas. Il importe donc de recadrer le débat.

Pour autant, il s'agit aujourd'hui de répondre à une situation qui, à bien des égards, a pu apparaître comme une anomalie de notre droit, à l'occasion d'un procès ayant récemment défrayé la chronique. Si, de manière somme toute logique, la règle de la publicité restreinte peut s'appliquer à des procès contre des majeurs mis en cause pour des faits commis avant leur majorité, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit à ce jour d'un choix laissé au seul prévenu – c'est ce sur quoi veut revenir la proposition de loi. En d'autres termes, aujourd'hui, en vertu du dernier alinéa de l'article 306 du code de procédure pénale, c'est au prévenu, mineur au moment des faits mais majeur à l'ouverture des débats, qu'il appartient de décider, de manière totalement discrétionnaire, du régime de publicité auquel sera soumis son procès.

Loin d'être isolée, cette question se pose en réalité dans une grande majorité des affaires dont ont à connaître les juridictions pour mineurs. Ainsi que l'a indiqué notre rapporteur, en 2008, 98 % des personnes condamnées par les cours d'assises des mineurs ont été jugées alors qu'elles avaient atteint leur majorité. Toutes ces personnes ont ainsi pu décider elles-mêmes du caractère public ou non de leur procès, sans que les représentants des victimes ou même le ministère public aient eu leur mot à dire.

À l'heure où nous ambitionnons de bâtir une procédure pénale à la fois plus respectueuse des libertés publiques et individuelles, mais aussi des droits des victimes, cette situation nous interroge en ce qu'elle fragilise à bien des égards l'adhésion de la société à la spécificité du traitement pénal des mineurs et, par là, à la pérennité même de ce principe.

C'est pourquoi je tiens à saluer, au nom des députés du Nouveau Centre et en mon nom, monsieur le rapporteur, l'équilibre dont est empreint ce texte dans sa version issue des travaux de notre commission des lois. Si le principe de la publicité restreinte n'est pas remis en cause, il n'appartiendra cependant plus au seul prévenu de décider du régime de publicité de son procès, puisque c'est désormais au juge qu'il reviendra de trancher, une fois que les intérêts en présence auront été pris en compte dans leur globalité.

Cette solution permettra ainsi, tout en maintenant intacte la spécificité des débats se déroulant devant les juridictions pour mineurs, de prendre en la matière enfin en compte les intérêts des victimes comme de la société elle-même. C'est ce qu'il faut retenir, me semble-t-il, de cette proposition de loi assez consensuelle.

Je veux également évoquer le renforcement des sanctions encourues en cas de divulgation de l'identité ou de publication d'éléments relatifs à des procès mettant en cause des personnes mineures au moment des faits. Il m'a semblé, monsieur le rapporteur, que vous aviez dû abréger sur ce point votre exposé en raison du temps imparti. Si nous saluons l'aggravation des peines encourues, qui seront ainsi portées de 3 750 euros à 15 000 euros en cas de manquement, nous n'en maintenons pas moins des réserves quant à leur caractère effectivement dissuasif pour certains organes de presse. Je crois qu'il faut en appeler à la responsabilité de chacun lorsque l'on traite des dossiers dans lesquels des mineurs ont été mis en cause.

Sous cette réserve, les députés du Nouveau Centre apporteront leur soutien à cette proposition de loi.

Le Gouvernement et le Président de la République à l'occasion de ses voeux se sont engagés à réformer le code de procédure pénale.

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