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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 10 février 2010 à 15h00
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en guise d'entrée en matière, je me permettrai de citer le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France, qui viennent conjointement d'appeler « les parlementaires et tous les citoyens soucieux du respect des équilibres démocratiques à s'opposer fermement à ce nouveau projet liberticide qui nous prépare une société du contrôle ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je ne m'attacherai, pour ma part, qu'aux dispositions qui visent à lutter contre la cybercriminalité car, ne serait ce que sur ce sujet, il y a de quoi dire !

En ce qui concerne le délit d'usurpation d'identité sur le net, l'inquiétude vient tout d'abord de la notion même, qui n'est pas définie dans le texte, de ce qu'est l'identité d'un tiers ou les données qui lui sont personnelles sur internet. Ainsi, la crainte que ce texte permette de sanctionner les détournements parodiques, fréquents sur le web, s'est légitimement installée. Si ce risque relève du fantasme, il faudra alors lever le doute en précisant, par voie d'amendement, les dispositions de l'article 2 lorsqu'il viendra en discussion.

De fait, c'est à l'article 3 qu'apparaît de manière plus flagrante la tonalité générale du projet de loi : une méfiance à l'égard de tout ce qui vient d'internet. Il s'agit en effet, dans cet article, d'aligner, tenez-vous bien, les peines relatives à certains délits prévus par le code de la propriété intellectuelle quand ils sont commis par voie de communication au public en ligne, c'est-à-dire sur internet, sur celles déjà applicables lorsque le délit est commis en bande organisée ou lorsque les faits portent sur des marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité de l'homme ou l'animal. On mesure toute la disproportion. La seule utilisation d'internet en la matière devient en soi une circonstance aggravante.

Comment pouvez-vous le justifier ? Internet n'est qu'un moyen de diffusion, un moyen de communication. Si l'on peut concéder qu'il rend la contrefaçon plus facile, cela ne change ni la nature ni la gravité du délit au point d'en aggraver les sanctions pénales.

Nous sommes inquiets quand, à nouveau et de manière répétée, nous assistons, au sein de cet hémicycle mais aussi dans le débat public, à une mise au banc des accusés de ce média qu'est internet. Nous avons vu, avec HADOPI et la censure historique du Conseil constitutionnel, jusqu'où l'aveuglement pouvait conduire.

Lorsque Jean-François Copé déclare qu' « internet est un danger pour la démocratie », et quand Henri Guaino soutient que la transparence d'internet est « le début du totalitarisme », il y a là une diabolisation qui révèle combien vous est insupportable l'idée qu'internet est un moyen de communication que vous ne pouvez maîtriser, que vous ne pouvez contrôler.

Nulle candeur dans notre propos, car nous considérons qu'internet n'est après tout que le reflet d'une société où le meilleur côtoie le pire.

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