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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 9 février 2010 à 15h00
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Le rapport qu'il nous est demandé d'approuver grave dans le marbre de la loi la fin de toute augmentation des effectifs. Pis, les sempiternelles synergies et économies d'échelle sont invoquées pour justifier le dégraissage des « emplois de soutien, techniques et administratifs des deux forces ». Les mots et les formules ne remplacent pourtant pas les moyens humains dont a besoin une véritable politique de sécurité intérieure, une politique qui ne repose pas uniquement sur l'obsession de la technologie ou sur la tentation répressive.

La course à la technologie pourrait prêter à sourire tant elle semble vous enthousiasmer, si elle n'était pas inquiétante. Je fais référence ici à ce que le rapport nomme, dans un euphémisme trompeur, les « armes à létalité réduite » : les fameux pistolets à impulsion électrique, que l'on appelle aussi tasers. Ces armes sont actuellement utilisées par les polices de près de soixante-cinq pays, mais elles sont interdites en Belgique, aux Pays-Bas, en Nouvelle-Zélande, au Japon et en Malaisie. Depuis 2004, Amnesty International s'interroge sur les dangers d'une utilisation inappropriée de ce type d'arme et sur le risque de contrevenir alors aux dispositions de la Convention contre la torture. En France, l'utilisation du Taser X26 a été introduite en 2005 à titre expérimental ; fin 2006, il équipe la police nationale puis la gendarmerie ; le 22 septembre 2008, un décret du ministère de l'intérieur autorise les policiers municipaux à en être équipés – je rappelle qu'à l'occasion de la publication de ce décret, Amnesty International avait appelé à la suspension de l'usage de cette arme par les polices municipales. Mais le 2 septembre 2009, le Conseil d'État – faisant suite à une requête d'une organisation non gouvernementale, le Réseau d'alerte et d'intervention sur les droits de l'homme – a annulé ce décret qui autorisait l'emploi par les agents de la police municipale de pistolets à impulsion électrique.

Vous affichez l'objectif de tripler le nombre de caméras de surveillance. Là encore, on est dans une course à la technologie sans discernement ni évaluation des dangers réels. Je tiens à rappeler que cette technologie est d'une efficacité relative : au mieux, elle engendre un déplacement des infractions. Je partage à cet égard l'opposition croissante de nos concitoyens à ce dispositif lorsqu'ils sont consultés. Je crois en effet que la CNIL avait bien raison de manifester ses craintes, dans son rapport du 9 juillet 2007, sur ce qu'elle appelait « la société de surveillance ». Lors de la présentation du rapport d'activité de la CNIL, M. Alex Türk avait lancé un avertissement : « La société de surveillance menace notre capital de protection des données et nos libertés. » Cet appel ne semble pas avoir été entendu, mais il explique sans doute que vous préfériez confier des compétences nouvelles à la Commission nationale de vidéoprotection plutôt qu'à la CNIL... Rappelons qu'aucune évaluation sérieuse de la vidéosurveillance dans l'espace public n'a été conduite, qui aurait permis d'en mesurer les capacités préventives ou répressives. On peut d'autant plus légitimement regretter l'absence d'évaluation que cet outil est financièrement coûteux et qu'il n'est pas sans risques pour les libertés individuelles. Les travaux évaluatifs réalisés à l'étranger apportent, eux, plusieurs enseignements : l'efficacité dissuasive de la vidéosurveillance est très variable selon le type d'espace et le type de faits ; elle n'a notamment aucun impact sur les délits impulsifs et sur ceux commis par des personnes sous l'emprise de drogues ; elle dissuade peu les délinquants qui adoptent des mécanismes de dissimulation et des stratégies d'adaptation à l'outil. Sa faible efficacité dissuasive tend de plus en plus à la transformer en un outil de police judiciaire, voire en une machine à tout faire, ce qui nuit à son efficacité.

Nombre de dispositions introduites par ce texte appellent donc de sérieux débats. Je ne m'attacherai pas à analyser toutes les dispositions, mais je m'attarderai sur celles que l'on peut considérer comme les plus problématiques.

Le texte s'apprête à autoriser les audiences délocalisées du juge des libertés et de la détention ainsi que des audiences en visioconférence dans le domaine du contentieux de la rétention des étrangers. Rappelons qu'il s'agit d'un contentieux civil qui n'a rien à voir avec une infraction pénale.

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