Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui l'examen en seconde lecture de deux textes, un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire, d'importance puisqu'ils permettent de systématiser le contrôle parlementaire sur le pouvoir de nomination du Président de la République, innovation qui a sans doute constitué l'une des dispositions les plus symboliques de la révision constitutionnelle adoptée en juillet 2008.
Par le passé, en effet, les nominations à la tête des grandes entreprises publiques ou des autorités administratives indépendantes étaient systématiquement suspectées, et parfois à juste titre, d'être des nominations de complaisance, voire de connivence, les résultats d'obscurs marchés passés dans les coulisses du pouvoir. Désormais, et en vertu de la nouvelle rédaction de l'article 13 de la Constitution, les personnes pressenties pour exercer une fonction déterminante, soit pour la garantie des libertés publiques, soit pour la vie économique et sociale de la nation, sont tenues de se présenter et de présenter leur projet devant les commissions permanentes compétentes de l'Assemblée et du Sénat.
Nous-mêmes, parlementaires, n'aurons pas seulement à nous prononcer sur la compétence du candidat pressenti ainsi que sur la pertinence de son projet ; nous disposerons également de la possibilité d'opposer, à la majorité des trois cinquièmes, notre veto à une nomination proposée par le Président de la République,
Si l'ambition de voir le Parlement plus étroitement associé aux nominations décidées par le Président de la République nous a tous rassemblés ici lors des débats préalables à la révision de la Constitution, tel n'a pas été le cas du seuil de voix au-delà duquel les commissions permanentes sont en mesure d'opposer leur veto à une nomination. Certains ont ainsi mis en avant l'impossibilité d'atteindre les trois cinquièmes des voix, compte tenu notamment de la discipline de vote qu'on a coutume d'observer dans nos assemblées.
Je ne vois pas en quoi, cette coutume de vote s'appliquerait aux désignations proposées par le Président de la République. Cela pervertirait en effet le principe même de ce que nous avons voulu inscrire dans la Constitution. En outre, nous estimons que l'opportunité d'auditionner le candidat, mais aussi de voter, nous permettra d'émettre un avis qui, à lui seul, quand bien même le seuil des trois cinquièmes ne serait pas atteint, serait en mesure de bloquer la nomination, par le Président de la République, de quelqu'un que nos assemblées n'auraient pas estimé suffisamment compétent ou dont le projet ne correspondrait pas aux ambitions pour les institutions à la tête desquelles il serait nommé.
Un tel cas s'est déjà produit : l'exécutif n'était pas lié par le vote qui a eu lieu récemment dans nos assemblées pour la nomination du président du Haut conseil des biotechnologies. Bien qu'il ne se soit pas vu opposer une majorité des trois cinquièmes, l'exécutif a renoncé à nommer son candidat initial et a tenu compte de l'avis du Parlement. Nous avions donc raison lorsque nous défendions ce principe lors du débat sur la révision constitutionnelle, ainsi qu'en première lecture. La preuve en est faite.
L'avancée que constitue pour notre démocratie le contrôle par le Parlement des nominations décidées par le Président de la République est donc bel et bien réelle et je renouvellerai à ce titre, monsieur le ministre, au nom des députés du Nouveau Centre, notre totale adhésion à l'esprit des projets que vous présentez aujourd'hui devant nous.
Alors que notre assemblée avait, en première lecture, choisi de compléter la liste des nominations désormais appelées à n'intervenir que selon la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution, le Sénat a, pour sa part, poursuivi cette démarche en étendant cette procédure à trois nouvelles fonctions.
Cet allongement progressif des emplois ou fonctions concernés par la nouvelle procédure, s'il ne peut en lui-même que susciter que notre approbation, nous semble toutefois révélateur d'une difficulté que nous avons sans doute tous éprouvée, mes chers collègues, au moment de préparer l'examen de ce texte.
En effet, là où le comité Balladur ambitionnait de procéder à une clarification des compétences respectives du Président et du Premier ministre en termes de nominations, force est de constater que cet objectif n'a pu être atteint, puisque la juxtaposition des articles 13 et 21 de notre Constitution reste à ce jour ambiguë. Elle avait d'ailleurs fait l'objet de débats lors de la révision constitutionnelle. Qu'on en juge : l'article 21 donne ainsi pouvoir au Premier ministre pour nommer aux emplois civils et militaires, sous réserve de l'article 13 qui donne lui-même au Président compétence pour nommer aux emplois civils et militaires de l'État.
Mais, au-delà de cette seule ambiguïté constitutionnelle, le pouvoir de nomination du Président de la République reste difficile à cerner avec exactitude, dans la mesure où il convient, pour tenter d'en définir l'étendue, d'ajouter à une première liste d'emplois ou fonctions visée à l'article 13 de la Constitution, celle contenue dans l'ordonnance organique du 28 novembre 1958, puis celle du décret en Conseil des ministres du 29 avril 1959. Vient alors une véritable nébuleuse d'emplois pourvus sur décret du Président de la République en vertu d'une disposition législative, voire réglementaire, spécifique. Sur ce sujet donc, une entreprise de clarification n'aurait sans doute pas été dénuée de tout intérêt. Notre commission des lois pourrait peut-être se pencher sur la question.