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Intervention de Yves Durand

Réunion du 22 janvier 2010 à 9h45
Concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Durand :

Au-delà de la relative intimité de notre hémicycle ce matin, je regrette l'absence de M. Marleix. Sans mettre en doute le talent de monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, ni sa compétence pour répondre à nos questions, vous conviendrez qu'il est désolant que le secrétaire d'État en charge de ce projet de loi au nom du Gouvernement n'ait pas cru devoir être parmi nous ce matin.

Si j'avais à qualifier ce projet de loi, j'utiliserais deux mots : illusion et subterfuge. L'illusion et le subterfuge portent tout d'abord sur l'objet même du texte, puisque vous tentez de nous faire croire qu'il ne porte que sur la concomitance des élections des conseillers généraux et des conseillers régionaux, alors qu'il s'agit en fait de tout autre chose. Ayant d'ailleurs écouté les quelques députés de l'actuelle majorité qui ont bien voulu s'exprimer lors de la discussion générale de mardi, j'ai noté que leurs interventions ne portaient pratiquement pas sur la concomitance entre les deux élections, mais sur la création d'un nouvel élu, le conseiller territorial, et la création d'un nouveau mode de scrutin, qui constituent le fond de votre projet de loi. Ce saucissonnage entre quatre projets de loi qui n'en font qu'un est déjà, en lui-même, une illusion et un subterfuge.

Deuxième illusion, vous voulez faire croire aux Français que ce projet permettra de réaliser des économies. C'est l'un des arguments majeurs du Président de la République lui-même : faire des économies sur le dos des collectivités territoriales. Je n'y reviendrai pas, Laurent Fabius et Bruno Le Roux ont déjà démontré qu'il n'y avait pas d'économies, et que le coût des collectivités territoriales était dérisoire par rapport à d'autres dépenses de l'État. Je souhaiterais d'ailleurs que cet argument ne soit pas trop utilisé.

Vous prétendez également rendre plus lisible la répartition des compétences entre les deux catégories de collectivités territoriales que sont les conseils généraux et les conseils régionaux, et pour cela, vous créez un nouvel élu, le conseiller territorial. C'est une espèce d'élu hybride, qui ne représentera en fin de compte ni la proximité, ni l'anticipation nécessaire à la conduite des régions. Au final, par la fusion des deux collectivités existantes, vous créez la confusion alors que vous prétendez rendre les choses plus lisibles. Que va-t-il résulter de ce mélange d'élus qui sont actuellement porteurs de deux blocs de compétences différents, à deux niveaux distincts ? Aujourd'hui, le conseiller général est identifié comme l'élu de proximité par nos concitoyens, en zone rurale mais aussi dans bien des zones urbaines ; 75 % du budget des conseils généraux est orienté vers l'action sociale. À part le maire, qui va-t-on voir quand on a des problèmes au niveau de la petite enfance ou de l'action sociale ? C'est le conseiller général. C'est souvent lui qui accompagne les maires dans le traitement de ces problèmes. Il représente la proximité, parce qu'il est l'élu d'un territoire, et qu'il est considéré comme le porteur de la solidarité sociale. À ses côtés, élu de manière différente, et certes moins identifié – mais, à la limite, cela importe peu – le conseiller régional a la charge de l'anticipation des politiques et de la préparation de l'avenir. Et c'est au moment où nous étions en train de donner à la région une vraie identité et une vraie légitimité en matière de formation professionnelle, d'apprentissage, de développement économique, que vous cassez cette dynamique par cette fusion, source de confusion.

Troisième subterfuge, l'argument sur la nécessaire complémentarité entre les politiques du conseil général et du conseil régional. Les bras m'en tombent ! À quand une loi imposant des majorités identiques dans les différentes collectivités territoriales et à l'Assemblée Nationale ? La richesse du débat démocratique naît au contraire de la confrontation entre des collectivités qui n'ont pas forcément la même majorité politique, mais qui peuvent contractualiser un certain nombre d'actions. De fait, vous instituez un véritable verrouillage des collectivités territoriales qui trouve son expression dans le mode de scrutin. Je ne reviendrai pas sur le caractère scandaleux de ce mode de scrutin, les orateurs qui m'ont précédé à cette tribune l'ayant mis en lumière.

En conclusion, ce projet de loi est à la fois stupide et dangereux. Il est stupide, car la décentralisation était devenue l'objet d'un véritable consensus national au-delà de nos divergences politiques : vous tentez de revenir en arrière sur un mouvement pourtant irréversible. Il est également dangereux, de par les arguments que vous avez utilisé pour tenter de le justifier. Affirmer qu'il y a trop d'élus dans une démocratie est dangereux, et il serait bon de ne plus utiliser cet argument à l'avenir. Voilà pourquoi, au moment où votre politique nationale casse les services publics et remet en cause ce qui pouvait apparaître comme la protection des plus faibles, la destruction ou le verrouillage des collectivités territoriales est une faute grave, car elles sont justement au plus près de nos populations. Cette loi de circonstance n'entrera pas dans l'histoire, car nous aurons la charge d'y remédier. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera donc évidemment contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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