J'ai cru que Michel Herbillon était intervenu au nom du groupe SRC… en tout cas, nous partageons ses propos.
Le dossier de l'AFP est un dossier particulier. En raison de son histoire, de son statut, qui date de 1957 et qui a nécessité neuf ans de préparation, du rôle qu'elle joue et de sa dimension internationale, on ne peut pas traiter le changement de statut de l'AFP comme on le ferait pour n'importe quel autre organisme. Dans notre paysage républicain et démocratique, l'AFP occupe une place à part. Et même si le terme de « consensus » a sans doute ses limites, comment parvenir à emmener tout le monde vers un objectif qui nous rassemble spontanément : assurer le développement économique de l'AFP, avec des bases financières solides et pérennes, tout en préservant sa dimension internationale et son indépendance ?
Nous avons beaucoup de critiques à formuler, nous aussi, sur la méthode adoptée. Alors que le groupe SRC avait saisi Mme Michèle Tabarot d'une demande de création d'une mission d'information, nous sommes convenus de procéder d'abord à des auditions. Quoi qu'il en soit, à l'automne dernier, nous avions jugé, de manière collective et consensuelle, qu'il fallait que nous nous saisissions de ce dossier à l'écart duquel on nous avait tenus. Je remarque que la démarche avait été menée en synergie avec les partenaires sociaux, notamment les syndicats. Ce sont ces derniers qui, à la suite d'une journée de grève, nous avaient saisis pour que le débat sur l'avenir de l'AFP acquière un caractère public – ce qui n'était pas le cas jusqu'alors. Certes, nous connaissions la mission qui avait été confiée à M. Pierre Louette, nous connaissions les prémices de son rapport et de ses préconisations, mais tout cela gardait un caractère confidentiel. En outre, à la fin de l'automne, le calendrier était tel qu'on pouvait penser qu'un projet de loi serait déposé sur le bureau du Parlement avant la fin de l'année et que l'on serait amené à boucler la réforme de l'AFP d'ici au printemps de l'année suivante. Visiblement, le calendrier a bougé, ce qui est une bonne chose. Reste qu'à partir du moment où nous nous sommes saisis de cette question, nous aurions voulu « rester dans le mouv' ». Mais l'on connaît cette propension du monde de la culture à créer des groupes de travail, des comités d'experts…
Finalement, il faut que nous ayons collectivement une capacité d'imagination. En effet, nous avons retenu des auditions, aussi bien de celle des syndicats que de celle de Pierre Louette, qu'il nous fallait résoudre une équation qui n'est pas évidente : assurer dans la durée à l'AFP un financement solide, qui ne soit pas soumis aux aléas conjoncturels, qui lui permette de relever les défis commerciaux, et ce dans un contexte marqué par la crise de la presse écrite.
Le fait qu'un partie des clients de l'AFP soient membres de son conseil d'administration conduit à une situation schizophrénique : en conseil d'administration, ils fixent des tarifs, qu'ils négocient ensuite à la baisse, comme clients. La composition actuelle du conseil d'administration est d'une autre époque. On se rend bien compte qu'il faut sortir de cette situation.
Nous avons été collectivement sensibles à ce que nous ont dit, notamment, les syndicats. Certes, l'AFP, l'une des trois grandes agences de presse au niveau mondial, doit conserver son indépendance et son rôle international – et francophone. Mais son indépendance et l'argent qu'elle peut tirer de sa surface internationale tiendront aussi au fait qu'elle n'apparaîtra pas comme une agence d'État. Voilà pourquoi son statut et la composition de son conseil d'administration constituent un enjeu essentiel. En effet, si au terme du processus, il ressort que c'est l'État actionnaire qui entre en masse dans le conseil d'administration, on court un risque manifeste de déficit d'image, lequel peut conduire à une sorte de préjudice commercial.
À terme, y aura-t-il étatisation ou privatisation ? Y aura-t-il une étatisation aujourd'hui puis une privatisation demain – l'actionnaire principal étant amené à vendre ses participations ? Tout cela peut susciter des craintes, en partie justifiées. Mais au-delà, il s'agit de savoir comment assurer un actionnariat stable à l'AFP tout en faisant en sorte qu'elle n'apparaisse pas demain comme une agence d'État ou, après-demain, comme une agence dépendante d'intérêts industriels et financiers puissants. Il s'agit de se demander comment assurer l'indépendance de l'Agence, qui est une des conditions essentielles du rôle international qu'elle joue.
Il est ressorti de nos auditions qu'il fallait que nous soyons capables de faire preuve d'imagination et de créativité, pour inventer quelque chose de spécifique à l'AFP. Jusqu'à présent, les propositions qui nous été faites ne sont pas satisfaisantes.