Cette proposition de loi vient parachever le travail entamé avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, et qui tend à conférer au Parlement de nouveaux pouvoirs en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.
Elle a été déposée par le président Bernard Accoyer sur le fondement des recommandations émises par le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale à l'issue des travaux sur les critères de contrôle des études d'impact que j'ai conduits avec Jean Malot en qualité de co-rapporteur du CEC.
Cette proposition de loi permettra en particulier de remédier à plusieurs censures récentes du Conseil constitutionnel qui ont affaibli les moyens de contrôle et d'évaluation dont dispose le Parlement.
L'article 1er prévoit que les rapporteurs des instances parlementaires de contrôle et d'évaluation disposeront des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place et de communication des documents conférés par l'ordonnance du 17 novembre 1958 aux rapporteurs des commissions d'enquête. Cet alignement des prérogatives permettra aux instances de contrôle et d'évaluation d'obtenir communication des informations nécessaires, notamment lorsqu'elles seront sollicitées pour examiner une étude d'impact, sans préjudice de la compétence des commissions permanentes et de la conférence des présidents.
Cet article prévoit en outre que toute personne dont l'audition est jugée nécessaire par une instance parlementaire de contrôle et d'évaluation pourra faire l'objet d'une convocation. Cette disposition tend à surmonter la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009 sur la résolution modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale : le Conseil a censuré une disposition autorisant l'organisation d'un débat sur les rapports du CEC « en présence des responsables administratifs de la politique publique concernée » – il s'agissait en réalité de pouvoir auditionner les directeurs d'administration centrale. Le Conseil constitutionnel avait indiqué qu'une telle mesure devait être adoptée par la voie législative.
Il avait été proposé, lors de la réforme du Règlement de l'Assemblée nationale, de permettre au CEC de solliciter l'assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation des politiques publiques – je rappelle que l'article 47-2 de la Constitution n'énonce qu'un principe général d'assistance de la Cour des comptes au Parlement. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif que, « si la Cour des comptes a vocation à assister ledit comité dans l'évaluation des politiques publiques, il n'appartient pas au règlement mais à la loi de déterminer les modalités selon lesquelles un organe du Parlement peut demander cette assistance ». Le CEC a estimé qu'« il serait utile de désigner rapidement dans la loi les organes du Parlement qui seront habilités à demander l'assistance de la Cour des comptes en matière d'évaluation des politiques publiques […]. Dans le cas de l'Assemblée nationale, il s'agirait naturellement, au premier chef, du Comité d'évaluation et de contrôle, ainsi que des commissions permanentes, dans leurs champs de compétences respectifs ».
L'article 3 répond partiellement à cet objectif, puisqu'il autorise les présidents des deux assemblées ainsi que les présidents des instances parlementaires d'évaluation à demander à la Cour des comptes de réaliser une évaluation d'une politique publique.
En dernier lieu, ce texte tend à remédier à la censure d'une disposition du Règlement relative aux conditions de consultation du procès-verbal des personnes auditionnées par une commission d'enquête. Le Conseil constitutionnel ayant considéré qu'une telle disposition devait être prévue par la loi, et non par le règlement d'une assemblée parlementaire, compte tenu de la rédaction de l'article 51-2 de la Constitution, l'article 2 tend à l'insérer dans l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relatif aux commissions d'enquête parlementaires.
Je vous proposerai quelques amendements à la proposition de loi. Afin d'aller jusqu'au bout de ce que propose le CEC en ce qui concerne l'assistance apportée par la Cour des comptes, il me paraît souhaitable que les demandes puissent émaner non seulement des instances d'évaluation des politiques publiques, mais également des commissions permanentes. Je rappelle que seules les commissions des finances et des affaires sociales peuvent aujourd'hui obtenir l'assistance de la Cour. S'il est logique que le CEC puisse solliciter son assistance pour l'évaluation des politiques publiques transversales, ce rôle revient tout aussi légitimement aux commissions permanentes dans leur domaine de compétence respectif.
Afin de garantir l'efficacité de ce mécanisme, je propose que la Cour des comptes soit tenue de répondre aux demandes dans un délai maximal de douze mois, correspondant à la période pour laquelle les rapporteurs du CEC sont désignés. Cela permettra également de prendre en compte les difficultés dont Philippe Séguin m'avait fait part juste avant sa disparition – mais j'y reviendrai plus tard. Nous devons veiller à trouver les ajustements nécessaires avec la Cour des comptes, en particulier grâce à un dialogue entre le Président de notre Assemblée et le Premier président de la Cour.
En outre, il me paraît souhaitable de limiter le bénéfice des articles 1er et 3 aux seules instances d'évaluation permanentes. Nous éviterons ainsi que des instances temporaires d'évaluation, telles que les missions d'information, bénéficient de pouvoirs excessifs – je pense notamment au contrôle sur pièces et sur place, ainsi qu'aux demandes d'enquête adressées à la Cour des comptes. Cette disposition garantira que le CEC, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et la délégation sénatoriale à la prospective pourront bénéficier au premier chef des nouvelles possibilités prévues par le texte. Les amendements adoptés par la commission des finances sur ce sujet vont dans le bon sens.
Sous la réserve de ces quelques modifications, je vous invite à adopter cette proposition de loi.
Je ne saurais conclure mon propos sans revenir sur les inquiétudes dont m'avait fait part Philippe Séguin lors de notre dernier entretien. La Cour des comptes a constaté que les chambres régionales des comptes se montrent peu favorables à la centralisation prévue par le projet de loi portant réforme des juridictions financières et qu'elles estiment difficile, compte tenu de leur charge de travail et de leurs effectifs, de répondre dans de brefs délais aux demandes qui leur seraient adressées. C'est notamment pour cette raison que j'ai préféré revoir à la hausse le délai maximal de réponse de la Cour des comptes. Nous aurons l'occasion de revenir sur ces différentes questions lors de l'examen du projet de loi sur les juridictions financières, mais il me paraissait essentiel de rappeler que les instances parlementaires compétentes doivent pouvoir bénéficier de cet outil exceptionnel qu'est la Cour des comptes en matière d'évaluation.