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Intervention de Marie-Jo Zimmermann

Réunion du 22 décembre 2009 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Jo Zimmermann, rapporteur :

Je ressens une grande satisfaction en rapportant devant vous cette proposition de loi que le président du groupe UMP et moi-même, avec un certain nombre de collègues, avons déposée.

Ce texte constitue l'aboutissement d'un combat politique que, pour ma part, je mène depuis plusieurs années. Déjà, lors de l'examen de la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, j'avais proposé d'introduire une proportion minimale de 20 % de femmes dans les instances de gouvernance des sociétés anonymes. Mais, dans une décision du 16 mars 2006, le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition.

Tirant les conséquences de cette jurisprudence, j'ai pris l'initiative, lors de la révision constitutionnelle de 2008, d'une modification de notre Constitution, afin d'y inscrire que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes […] aux responsabilités professionnelles et sociales ». En vertu de cette modification constitutionnelle, une intervention législative sur le sujet est désormais permise. Qui plus est, sur le fondement de l'un des considérants de la décision du Conseil constitutionnel du 30 mai 2000, le Parlement ne se trouve pas enfermé : au-delà des mesures incitatives, il lui est bien loisible de prévoir des dispositions revêtant un caractère contraignant.

De ce fait, j'avais élaboré dès mars 2009 une première proposition de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales, prévoyant qu'une proportion minimum de 40 % de personnes du même sexe siège au sein des conseils d'administration et de surveillance des sociétés anonymes. Déposée avant que le Gouvernement ne consulte les organisations syndicales, elle s'est révélée prématurée sur la forme et n'a pu trouver sa place dans l'ordre du jour de notre assemblée. Elle a néanmoins ouvert la voie à la réflexion qui a conduit au dépôt du texte dont nous débattons aujourd'hui.

Toutes ces initiatives partent d'un constat sans appel. Les entreprises françaises comptent environ 17 % de dirigeants de sexe féminin. Si les femmes occupent 18,5 % des places décisionnelles dans les PME de moins de dix salariés, elles siègent à hauteur de seulement 10,5 % des conseils d'administration ou de surveillance des sociétés du CAC 40. Dans les 500 plus grandes sociétés françaises, elles n'occupent que 13,5 % des postes exécutifs au sein des comités de direction et comités exécutifs – CODIR ou COMEX –, 42 % de ceux-ci ne contenant même aucun membre féminin. Une telle situation n'est pas satisfaisante, chacun doit en convenir.

Chercher à y remédier n'est pourtant pas sans avantage.

En premier lieu, exiger la présence de davantage de femmes dans les conseils d'administration ou de surveillance constitue un moyen de diversifier la composition de cénacles souvent considérés comme trop hermétiques.

Par ailleurs, une telle initiative est de nature à infléchir structurellement les considérations des conseils dans l'exercice de leurs missions d'orientation stratégique et de contrôle.

Il est enfin avéré, dans des études menées outre-Atlantique comme en Europe, que la performance financière et commerciale des sociétés accordant davantage de place aux femmes dans leurs instances de direction est supérieure à la moyenne de leur secteur d'activité.

Toutefois, certains s'interrogeront peut-être sur la pertinence d'une intervention du législateur en la matière. Plusieurs réponses peuvent leur être apportées.

Tout d'abord, les précédents étrangers – notamment celui de la Norvège, qui a adopté en 2003 une loi fixant un quota minimum de 40 % de femmes dans les grandes sociétés cotées du pays – ont apporté la preuve de leur efficacité. Pleinement en vigueur depuis 2008, la législation norvégienne a permis de relever de 20 à 41 % la proportion moyenne des femmes dans les instances de gouvernance des entreprises du pays.

Ensuite, à défaut d'incitation législative, la féminisation des conseils d'administration ou de surveillance des entreprises prendra beaucoup de temps. Pour illustration, au sein du CAC 40, la féminisation des conseils d'administration et de surveillance ne progresse actuellement que de 0,2 à 0,4 % par an. En 2009, seules six nouvelles femmes ont fait leur entrée dans l'une de ces instances de direction, soit deux fois moins qu'en 2008.

Enfin, de plus en plus de pays, à l'instar de la Belgique ou des Pays-Bas, ont annoncé leur intention de rejoindre les précurseurs norvégien, espagnol et québécois.

Le dispositif qui vous est soumis se veut à la fois efficace et pragmatique. Il fixe un objectif de parité des instances de direction des sociétés cotées aux articles 1er et 2, des sociétés publiques à l'article 4, et des établissements publics de l'État à l'article 5.

Dès lors que les femmes représentent aujourd'hui une proportion de la population active presque équivalente à celle des hommes, que leur niveau de qualification est au moins aussi élevé et qu'elles prennent une part déterminante dans la consommation, il apparaît naturel de les associer, sur un pied d'égalité, aux décisions stratégiques des entreprises et des établissements publics de l'État.

Par extension, des améliorations devraient se faire jour dans la conduite des politiques internes d'égalité professionnelle et salariale, au sujet desquelles l'article 6 prévoit d'ailleurs une implication plus étroite des organes de direction des entreprises.

D'un strict point de vue quantitatif, le processus apparaît parfaitement soutenable. S'agissant des seules sociétés anonymes françaises, le dernier rapport d'activité de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale souligne d'ailleurs que : « le nombre de femmes qu'il faudrait “trouver” s'étagera dans une fourchette qui va de 1 350 femmes si chacune des nouvelles administratrices cumule deux mandats, à 550 si elles en cumulent cinq […]. Cet objectif, à atteindre dans un délai de plusieurs années, paraît donc réaliste ».

En outre, à l'instar des précédents étrangers, le texte prévoit une progressivité dans sa mise en oeuvre. Plusieurs paliers, assortis d'objectifs chiffrés, sont ainsi définis.

Lors des auditions, certains aménagements me sont apparus nécessaires afin de garantir l'applicabilité du texte et, pourquoi ne pas en convenir, son aboutissement. Au final, si la Commission adopte mes amendements, cette proposition de loi conservera, à n'en pas douter, son caractère novateur et progressiste. Il me semble que l'essentiel est d'aboutir à des avancées tangibles.

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